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Tsilla's Univers
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20 mai 2016

Mémoire sur Kaamelott, Les muances du Graal (extrait de la première partie)

B . Le Graal : visions des personnages

        S'il existe donc des muances objectives du Graal, chaque personnage a sa propre vision de l'objet sacré. Idéalisé, désacralisée, réduit à un bocal à anchois, le Graal prend autant de formes que les personnages lui prêtent. Comme dans les textes médiévaux, le Graal apparaît différemment à chaque personnage. Dans le Lancelot en prose,[1]Lancelot et Bohort voient le même objet sacré, mais dans un contexte différent. Lancelot l'aperçoit chez le Roi pêcheur, tandis que Bohort le contemple durant un office. Dans Kaamelott, aucun personnage ne voit jamais le Graal, pourtant, chacun en a sa propre vision. Elle est le reflet de leur personnalité. Tous les personnages sont à la fois médiocres et extraordinaires. Certains possèdent des dons, utiles dans la vie quotidienne, mais sans valeur pour la quête du Graal. Par exemple, Perceval est un génie des mathématiques, mais ses techniques de combat sont douteuses. Comme Rabelais, Astier semble articuler l'esthétique de son œuvre en alliant grotesque et sublime, mais aussi, ironie, comédie et drames. Le Graal est donc à la fois un objet tragique, comique ou dramatique.

Kaamelott du Graal au JDR Gazette du Geek (11)

3.  Les femmes : le miroir de leurs ambitions

            L'enjeu de la quête du Graal pour les femmes du royaume de Kaamelott est à la fois politique et sociale, puisque la place de reine revient à celle dont le mari est le roi. Arthur est roi de Bretagne car il a notamment fédéré l'ensemble des clans bretons autour de la quête du Graal.[1]Il est aussi roi, car il a épousé la princesse de Carmélide, et sa disparition dans le quatrième livre émeut le royaume tout entier. La reine tient une place centrale dans cette administration. Elle doit avoir de la prestance, être sur le trône et faire un héritier au roi.[2]Comme le Graal, l'enfant d'Arthur permettrait à ce dernier de légitimer son pouvoir et d'asseoir celui de sa reine. Pour les femmes, l'enjeu est donc double : il faut être femme du roi et mère de l'héritier pour jouir pleinement de ce statut social et du pouvoir qui lui incombe. En outre, si la reine n'a pas le droit de prendre la place du roi, elle peut néanmoins choisir qui devient régent du royaume.[3]Chaque femme de la série a son propre point de vue sur la quête du Graal et sur sa maternité, qu'elle soit maîtresse ou reine, cette vision a son importance dans  Kaamelott.             

            Guenièvre est une reine qui n'a pas sa place aux côté d'un roi, car elle n'a aucun charisme et aucune prestance, comme le souligne péjorativement sa propre mère.[4]Contrairement à Mevanwi, le pouvoir et les affaires du Royaume ne l'intéressent en rien. Au contraire, elle trouve que sa vie de reine est pénible et ennuyeuse.[5]Comme Aliénor d'Aquitaine, Guenièvre est sensible à l'Art, et invite des troubadours à sa table.[6]Elle aime également la sculpture romaine,[7] et donne au moins une représentation théâtrale.[8]Guenièvre se comporte typiquement comme une noble Dame du moyen-âge,[9] et cet aspect est tourné en dérision dans la série, son personnage en est même une caricature. Elle s'occupe peu des affaires du royaume et ne sait pas non plus s'occuper d'elle. Elle a, par exemple, besoin d'une servante pour se coiffer et s'habiller du premier au quatrième livre.[10]

            Pourtant, le personnage évolue et devient de plus en plus autonome. Dans le Livre V, elle sait faire du feu et piéger des oiseaux, ce qui n'est pas très utile dans un château, mais pratique pour partir à l'aventure. Au demeurant, elle est l'un de seuls personnages capable d'arpenter les chemins de la quête d'Arthur, alors qu'elle n'est pas chevalier. Ensuite, Guenièvre est en quête de liberté, et elle n'a pas besoin de partir en quête du Graal pour l'accomplir. Elle quitte Arthur à la fin du troisième livre, et tente l'aventure avec Lancelot. Cependant, sa romance adultérine est un échec, puisque ni elle, ni Lancelot ne consomme cette union, car ils ne savent pas comment le faire.[11]De plus,  la réalité de la vie dans le camp militaire n'est pas à la hauteur de ses fantasmagories.[12]Elle s'imaginait aussi que son amant ne s'occuperait plus de la quête du Graal, et elle est déçue qu'il y prenne part. Enfin, Lancelot la prive de toute liberté, et lorsque Arthur vient la délivrer, il la trouve attachée à son lit : « Je vous quitte pour être plus libre et vous me retrouvez attachée comme un saucisson ».[13]Cette image est une métaphore de sa relation avec Lancelot : elle se croyait aimée et libre, elle était en fait assujettie. Son idylle rêvée d'une vie aventureuse auprès d'un chevalier servant aux cheveux blonds, n'était qu'un fantasme.
            Enfin, sous ses airs enfantins, Guenièvre est extrêmement lucide. Elle affirme notamment à Arthur que ses réunions de la Table Ronde sont vaines[14] et que Calogrenant est un abruti.[15]

            Elle sait que la Quête du Graal est stérile, tout comme sa relation avec Arthur : « Je voulais savoir pourquoi vous laissiez tous vos chevaliers former des clans séparatistes, alors que l’une de vos plus importantes missions a toujours été de fédérer les clans existants autour de votre royaume et de la quête du Graal ? ... ».[16]La reine explique aussi au roi : « Un jour, vous comprendrez peut-être que vous êtes tout simplement incapable d'être amoureux. Ni de moi, ni des autres... ».[17]Elle préfère d'ailleurs accompagner Arthur dans la quête de ses enfants illégitimes, que dans la quête du Graal.

            Elle n'est pas une  dirigeante née, néanmoins, elle est bienveillante. Si Arthur critique et se moque de cet aspect de sa personnalité dans le premier livre, il en est agréablement surpris dans le Livre V, lorsqu'il lui demande : « Mais vous vous êtes toujours occupée de moi comme ça ? ».[18]Sa principale qualité est aussi son principal défaut. Le roi ne pouvait pas le remarquer avant, car il ne percevait pas la Reine comme un adjuvant à sa quête, mais comme l'un de ses nombreux opposants. Quand Arthur change de quête, qu'il décide de partir à la recherche non plus du Graal, mais de ses enfants, le statut de Guenièvre évolue alors. Elle l'encourage à la poursuivre malgré son échec.  
           

            D'ailleurs, elle ne tombe jamais enceinte dans la série car Arthur ne la touche pas. Pourtant, dans la légende, Guenièvre est stérile. Dans l'incipit du Conte du Graal, un chevalier vient d'ailleurs lui renverser de l'eau sur la tête. L'eau est le symbole de la fécondité. En accomplissant cet acte, il démontre qu'elle n'est pas fertile. Alexandre Astier a choisi d'inverser les rôles dans Kaamelott : ce n'est pas Guenièvre qui est stérile, mais le roi lui-même. De plus, dans la légende, la reine ne prend jamais part à une aucune quête, puisqu'elle reflète ; dans les récits de Chrétien de Troyes en particulier, un idéal de beauté courtoise.[19]Elle apparaît comme une tentatrice dans le récit de Robert de Boron.[20]Dans la série, elle est en quête de liberté, et elle finit même par devenir une adjuvante à la quête d'Arthur.[21]Guenièvre n'est pas chevalier, mais elle a finalement autant voire plus de compétences qu'eux, tout comme sa mère, Dame Séli.
            Dame Séli, est l'un des personnages inventé par Alexandre Astier. Dame Séli n'est pas intéressée par la quête du Graal, seul l'argent et le pouvoir sont dans l'ordre de ses priorités. Pour cette raison, elle demande à Merlin de concocter un filtre de fécondité qu'elle donne à boire au roi.[22]Elle prépare aussi des tartes immondes pour les petits-enfants qu'elle aimerait avoir.[23]Ses tentatives sont des échecs. Les femmes n'ont pas le droit officiel de gouverner, pourtant, certaines se l'approprient officieusement, comme elle.  Elle se considère comme le chef d'état officieux de Carmélide[24] et n'hésite pas à réclamer une rançon pour sa fille en feignant son enlèvement.[25]Séli est probablement le personnage le plus lucide et le plus arriviste de Kaamelott. Au lieu de participer aux différentes quêtes, elle trouve le moyen d'en profiter et d'en faire profiter sa famille. Elle a tenté d'éduquer sa fille selon les préceptes pictes. Leur société était matrilinéaire : le pouvoir se transmettait par la femme, et celle-ci, comme les femmes celtes, étaient des guerrières, plus libres et plus respectées que les femmes françaises au XIXe siècle.[26] Enfin, Séli, comme Ygerne et Cryda de Tintagel, est un personnage qui tenterait d'enrayer la déliquescence du royaume de Kaamelott.
            La mère d'Arthur, et sa tante de Tintagel, sont insupportables. Ygerne est effrayante[27] et Cryda méprisante.[28]Seule Séli les apprécie.[29]Toutes deux dirigent d'une main de fer la Cornouaille.  Cantonnées à un rôle minime dans les trois premières saisons, les deux comparses prennent de l'importance dans la cinquième. Effectivement, aidées par Dame Séli, elles incitent Arthur à replanter l'épée et à épouser Mevanwi. Ces actes auraient pour conséquence qu'Arthur abandonnerait non seulement le trône, mais aussi Mevanwi. Pourtant, dans de nombreuses œuvres littéraires médiévales, la mère d'Arthur joue un rôle peu important, tout comme sa tante. Ygerne apparaît pour la première fois dans le manuscrit Culhwch et Olwen,[30] sous le nom d'Eigyr. Son histoire personnelle est davantage développée dans l'Historia Regum Britaniae. Celle-ci commence un jour de fête. Au cours d'une fête de Noël, Uther Pendagron rencontre la jeune femme mariée au duc de Cornouailles et en tombe amoureux. Il se confie à son cousin Urfin qui lui conseille de la séduire. Le duc de Cornouailles n'appréciant pas que sa femme soit ainsi courtisée, déclare la guerre à Uther Pendragon. Merlin se présente alors au roi et l'aide à connaître charnellement la duchesse grâce à un sortilège[31] qui lui donne l'apparence du duc. En échange, l'enchanteur demande la faveur d'élever l'enfant, qui naîtrait de cette union. Ygerne n'est pas informée du subterfuge et ne revoit son fils qu'à l'aube de son couronnement.

            Ygerne est un personnage féminin typiquement médiéval. La femme, dans les récits quêtes du Graal, possède souvent des dons divins ou magiques. Elle est en effet une fée, ou une sorcière. Elle peut avoir plusieurs fonctions : soigneur, tentatrice diabolique ou passeur entre les deux mondes. La Dame du Lac, Morgane, Iseult et sa mère, sont d'ailleurs des fées, des magiciennes aux pouvoirs enchanteurs.[32]Dans Kaamelott, Ygerne possède le pouvoir de rentrer en communication avec Pendagron, son défunt amant.[33]Dans l'Historia Regum Britaniae, Ygerne a des dons de voyance. Ygerne a passé toute son enfance à Avalon,[34] les îles fortunées, où les morts se prélassent dans une opulence pareille à celle décrite dans le mythe de l'âge d'or. Elle appartient donc à deux mondes : celui des morts et celui des vivants. En cela, la mère d'Arthur, mais aussi l'une de ses compagnes, Mevanwi,[35] sont donc des archétypes des personnages féminins de la légende arthurienne.

            Mevanwi est la plus machiavélique des femmes. Son personnage prend de l'ampleur dès le troisième Livre. Épouse de Karadoc, elle a déjà quatre enfants de ce dernier. Cependant, elle convoite le roi et le pouvoir royal. Elle séduit Arthur, et tente par tous les moyens de légaliser et légitimer leur union dès lors que Guenièvre s'est enfuit du château.[36]Grâce à une ancienne loi de Vannes, elle y parvient.[37]Pourtant, Arthur la répudie lors d'une séance de doléances : « Faites tout ce que vous pouvez pour pas m'en vouloir », la supplie-t-il.[38] Mevanwi, blessée, tente de reprendre le pouvoir grâce aux enseignements qu'elle a reçus d'Elias.[39]Elle essaye notamment de faire boire à Guenièvre et Arthur une potion empoisonnée.[40]Son attrait pour le pouvoir est donc matérialisé par son propre cheminement : de femme de chevalier, elle devient reine, puis une magicienne puissante. Ce personnage, par ses agissements, n'est pas sans rappeler celui de Médée : une magicienne trompée et trahie, prête à tout pour récupérer sa place auprès de l'homme qu'elle aime et se venger de l'affront qu'elle a subi. Finalement, elle séduit le jurisconsulte et fait disparaître, sous ses yeux et dans son lit, l'annulation de l'acte de l'échange d'épouse. « Vous êtes vraiment une grosse morue ! » s'exclame-t-il alors.[41]Elle redevient ainsi reine et place Karadoc à la tête du royaume. Comme Séli, elle dirige le royaume de façon officieuse. Mevanwi tient un rôle important dans cette histoire, car elle participe à la déchéance du royaume. Elle tient, de plus, un rôle essentiel dans la vie du souverain. Même si leur relation est avortée car déplaisante pour les Dieux, elle n'en demeure pas moins primordiale pour Arthur qui éprouve des sentiments sincères à son égard. L'échec de leur union matérialise le désespoir du roi et le pousse à délaisser la quête du Graal et le pouvoir, pour réaliser sa propre quête. Puisque ses mariages sont stériles, le roi part en quête de ses enfants illégitimes, autrement dit, ceux qu'il aurait pu concevoir avec ses maîtresses.     
            Les maîtresses d'Arthur sont nombreuses, et attirées par la richesse. Elles sont aussi toutes en quête d'un statut social,[42] sauf Azénor[43] qui est kleptomane, Madenn, dont les parents sont des paysans aisés,[44] et les servantes du château.[45]Demetra, Aelis et sa sœur, les jumelles du pêcheur, ou encore Azénor sont les maîtresses officielles, mais le roi a aussi des aventures avec d'autres jeunes femmes, comme Madenn, ou les servantes. Les maîtresses entretiennent des relations amicales avec Guenièvre. Elles sont à la fois amies et rivales.[46] Elles expliquent même à Guenièvre comment faire des enfants. Aucune d'entre elles ne se montre intéressée par la quête du Graal, et elles ne veulent pas d'enfant du roi,[47] jusqu'à ce que la place sur le trône se libère.[48] Demetra réunit alors Aelis et les jumelles du pêcheur pour leur dévoiler son stratagème afin de devenir reine. Une fois partie, Aelis à son tour exposera son plan. Enfin seules, les jumelles du pêcheur tiennent le même discours que leurs deux rivales. L'héritier et le pouvoir sont au cœur de leur discours. Néanmoins, leurs plans ne se concrétiseraient pas puisque Mevanwi parvient dans le quatrième livre à légitimer son union avec Arthur, écartant ainsi les jumelles du pêcheur et Demetra. Par la suite, dans le cinquième livre, les jumelles du pêcheur demeurent introuvables, tandis que Demetra est devenue la femme d'Yvain, dans le seul but d'accéder au statut social de femme de chef de clan. Aelis, quant à elle, essaie de séduire Karadoc et d'obtenir davantage de pouvoir. Le chevalier trouve que cette situation n'est pas désagréable, et il croit ainsi imiter Arthur, qui avait l'habitude de prendre des bains avec ses maîtresses. Les maîtresses ne se fichent pas de la quête du Graal, mais comme Séli ou Mevanwi, elle est dans leur optique, le reflet de leur propre ambition. 

            Toutes ces femmes ont le « type romain ».[49]Leur beauté latine s'oppose à celles encensées par Chrétien de Troyes et ses contemporains, comme Enide, Guenièvre ou Iseult, blonde, la peau claire, les yeux vairs, le cou gracile, les joues et les lèvres pareils à des boutons de roses. Toutes les maîtresses d'Arthur ressemblent à Aconia, son amour perdu.  Arthur désire plusieurs femmes, mais toutes ces années, il n'en a aimé qu'une seule et a tenté de la retrouver à travers ses conquêtes. D'ailleurs, l'amour qu'il porte à Mevanwi n'est peut-être pas aussi fort que celui qu'il porte à Aconia. Il a défié les Dieux en se mariant avec Aconia, il a renoncé à Mevanwi pour apaiser leur colère. Guenièvre a donc raison lorsqu'elle affirme qu'Arthur ne peut aimer personne. Son cœur est toujours pris. 

            La place des femmes est donc centrale dans la quête du Graal. Paradoxalement, pour les femmes, la quête du Graal est donc plus importante qu'elle ne l'est pour certains chevaliers. Effectivement, la quête du Graal représente davantage pour elles dans une société où elles ne peuvent accéder au pouvoir de façon officieuse que grâce à l'argent et à leur statut. La quête des femmes de Kaamelott n'est peut-être pas si différente des femmes d'aujourd'hui : chacune rêve de liberté, d'autonomie, d'indépendance, de puissance, et toutes sont prêtes à tout pour parvenir à leur fin. 




[1]D'ailleurs, Arthur dit à Guenièvre dans Le passage secret, Livre II : « C’est parce que je cherche le Graal que je suis Roi, et du coup vous êtes Reine. Si je cherchais pas le Graal vous seriez encore en Carmélide  en train de torcher le cul des vaches dans une des fermes de votre con de père ! »

[2]D'après Dame Séli dans le Livre IV, Tous les matins du monde, 2ème partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[3]D'après la Loi : « « Sera roi celui qui réussira à retirer l'épée du rocher. Si le roi lui-même échoue à la récupérer et que personne d'autre n'y arrive, faute d'héritier mâle en âge de gouverner (14 ans ou plus), la reine devra alors nommer un régent (les femmes n'ayant pas le droit de gouverner à Kaamelott) ».

[4]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Tous les matins du monde, 2ème partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[5]Comme elle l'affirme dans le Livre I, La pâte d'amande : « ma vie, c’était de la merde, vous entendez ?! Recevoir le chef de ci, le roi de mi, toujours polie, toujours bien mise, le symbole de la nation bretonne, ha ! Il en faut bien des compensations pour encaisser toute ces conneries hein! Toujours s’occuper de tout, pis surtout de vous, parce que vous avez des responsabilités! Et qui s’occupe de moi pendant c’temps?! […] J’ai pas d’amis, pas de loisirs... Comme vous me touchez pas, les choses de l’amour je m’assois dessus, et je parle au figuré. »

[6]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, Des nouvelles du monde, M6 Vidéo, 28/09/2005

[7]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, Le discobole, M6 Vidéo, 28/09/2005

[8]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre III, Guenièvre et Euripide, M6 Vidéo, 08/11/2006

[9]D'après Sophie Cassagne-Brouquet, La vie des femmes au Moyen âge, éditions Ouest-France, histoire (coll.), Evreux, 2009, 2010. et Jean Verdon, La femme au Moyen âge, éditions Jean-Paul Gisserot, histoire (coll.), 1999, 2006 (7ème réed.),  Cet aspect de sa personnalité reflète une réalité historique : les femmes, au moyen-âge, étaient courtisées par les poètes et les troubadours, car elles administraient souvent la vie culturelle du château. À travers les louanges des personnages féminins, les poètes faisait en fait des éloges des Dames qui les accueillaient et les nourrissaient.

[10]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Les bonnes, M6 Vidéo, 26/09/2007

[11]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Les novices, M6 Vidéo, 26/09/2007

[12]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Une vie simple, M6 Vidéo, 26/09/2007

[13]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Le sauvetage, M6 Vidéo, 26/09/2007

[14]Alexandre Astier (real.), Kaamelott,Livre III, Au bonheur des dames, M6 Vidéo, 08/11/2006

[15]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, Le secret de Lancelot, M6 Vidéo, 28/09/2005

[16]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre V, Les exilés, M6 Vidéo, 19/11/2008

[17]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre II, L'enragé, M6 Vidéo, 14/06/2006

[18]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre V, Le garçon qui criait au loup, M6 Vidéo, 19/11/2008

[19]Bernard Felix, En quête du Graal, Aubéron, 2003, Mayenne, p13-90

[20]Bernard Felix, En quête du Graal, Aubéron, 2003, Mayenne, p13-90

[21]D'après Jean Verdon, La femme au Moyen âge, éditions Jean-Paul Gisserot, histoire (coll.), 1999, 2006 (7ème réed.), les femmes pouvaient, au Moyen-âge, défendre les châteaux en l'absence de leurs maris et choisir, comme dans la série, l'homme qui détiendrait le pouvoir, mais elles n'étaient pas chevaliers pour autant

[22]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, La potion de fécondité, M6 Vidéo, 28/09/2005 et Alexandre Astier (real.), Kaamelott,Livre III, La potion de fécondité II, M6 Vidéo, 08/11/2006

[23]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, La tarte aux myrtilles, M6 Vidéo, 28/09/2005

[24]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Tous les matins du monde, 2ème partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[25]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre II, L'enlèvement de Guenièvre, M6 Vidéo, 14/06/2006

[26]Henri Bubert, Les celtes, Albin michel, coll. « Bibliothèque de l'Evolution de l'Humanité », 2001

[27]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, La visite d'Ygerne, M6 Vidéo, 28/09/2005 et Alexandre Astier (real.), Kaamelott,Livre III, La veillée, M6 Vidéo, 08/11/2006

[28]Alexandre Astier (real.), Kaamelott,Livre III, Cryda de Tintagel, M6 Vidéo, 08/11/2006

[29]Ibid

[30]Charlotte Guest, Culhwch ac Olwen, sur http://www.ancienttexts.org/library/celtic/ctexts/culhwch.html

[31]Dans Kaamelott, ce sera une potion de polymorphie dans le Livre I, La potion de Polymorphie

[32]Anne Berthelot (dir.), La légende du roi Arhtur, Éditions du Chêne, Hachette Livres, 2004

[33]Astier (real.), Kaamelott,Livre III, La veillée, M6 Vidéo, 08/11/2006

[34]Rappelons, d'ailleurs, qu' « avaler » signifie « descendre » en ancien français. Les îles d'Avalon seraient non seulement des réminiscences de l'imagerie de l'âge d'Or, mais aussi un paradis dans lequel les âmes mortes demeurent, comme celle d'Arthur après sa disparition dans La mort du Roi Arthur. D'après Anne Berthelot (dir.), La légende du roi Arhtur, Éditions du Chêne, Hachette Livres, 2004

[35]Dans la série Merlin, Mevanwi est la sœur jumelle de Merlin.

[36]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, La faute Ière partie, M6 Vidéo, 26/09/2007 et  Livre IV, La faute 2ème partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[37]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, L'échange Ière partie, M6 Vidéo, 26/09/2007 et  Livre IV, L'échange 2ème partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[38]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Le renoncement, 2ème partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[39]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre V, Corvus corone, M6 Vidéo, 19/11/2008

[40]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre V, Le dernier jour, M6 Vidéo, 19/11/2008

[41]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre V, Le phare, M6 Vidéo, 19/11/2008

[42]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre V, Le phare, M6 Vidéo, 19/11/2008

[43]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, Azenor, M6 Vidéo, 28/09/2005 et  Livre I, La kleptomane, M6 Vidéo, 28/09/2005

[44]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre I, La coccinelle de Madenn, M6 Vidéo, 28/09/2005

[45]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Tous les matins du monde 1ère partie, M6 Vidéo, 26/09/2007

[46]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre II, La joute ancilliaire,M6 Vidéo, 14/06/2006

[47]Alexandre Astier (real.), Kaamelott,Livre III, La ronde II, M6 Vidéo, 08/11/2006

[48]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre IV, Les liaisons dangereuses, M6 Vidéo, 26/09/2007

[49]Astier (real.), Kaamelott,Livre III, Les cheveux noirs, M6 Vidéo, 08/11/2006

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17 mai 2016

Mémoire sur Kaamelott, Les muances du Graal (extrait de la première partie)

I . Les muances du Graal dans Kaamelott :

A . Le Graal : définition

           

Kaamelott du Graal au JDR Gazette du Geek (07)Le Graal est un objet syncrétique, qui a plusieurs identités que nous analyserons (partie 1). Il a aussi plusieurs formes (partie 2).

1 . Syncrétisme du Graal       

            Le mythe du Graal, dans l'Histoire, résulte d'un syncrétisme des mythes, des légendes et des religions. Le Graal de la shortcom est quant à lui originellement celte. Sa quête est ordonnée par Viviane, qui apparaît comme une divinité celte. Cependant, la quête est confiée à un celte élevé comme un romain, dont le royaume est en voie de christianisation. En effet, Arthur est  le digne héritier d'Uther Pendagron, mais il a grandi à Rome, dans un Empire en déclin, en proie aux invasions barbares. Ces dernières ont une réalité historique : elles se sont produites entre le IV et VI e siècle. Le royaume de Kaamelott apparaît dès lors comme un carrefour fictif des civilisations et des croyances, qui trouve un échos dans notre Histoire.

            Par ailleurs, la chronologie, dans Kaamelott, est plus mythique que réaliste. Cette mythification contribue paradoxalement à la désacralisation du Graal et de sa quête. Alors que les chevaliers partent en missions ou en voyages, la quête du Graal entreprise par Arthur, évolue nullement, comme si elle avait été figée dans le temps. Elle semble ne jamais ne se finir.

            De plus, les quêtes du Graal entreprises par Lancelot à la fin du Livre III, et les autres chevaliers dès le début du Livre V, créent une multiplication des intrigues, mais aussi des points de vue. En fait, le contexte mythique et historique permet de mettre à distance la fiction de la réalité. Le monde arthurien, dans Kaamelott, est enrichi par des références historiques, géographiques, légendaires et culturelles. Déterminer sa chronologie est impossible :

« Si la chronologie de Kaamelott est étonnement précise sur certains points, elle n’en est pas pour autant totalement exacte ou crédible, et les durées que l’on devine pour les différents Livres peuvent parfois se trouver contradiction avec l’histoire. [...] les longues durées de navigation et de voyage pour se rendre en Bretagne apparaissent comme bien plus rapide qu’elles ne devraient l’être en réalité. […] si les dates que l’on peut déduire de la série sont en apparences justes et cohérentes tant dans l’histoire que dans l’Histoire, elles ne sont confirmées que par quelques allusions indirectes et par l’observation de l’écoulement des saisons. Dès lors que l’on entre dans le détail des durées de voyages, des irrégularités apparaissent, comme si les durées réelles étaient en fait bien plus longues, avec de nombreuses ellipses… » (sic.)[1]

            La variété des traditions et des religions coexistent dans l'univers de Kaamelott, comme dans la réalité historique. D'ailleurs, le syncrétisme du Graal a été utilisé à des fins religieuses et politiques.[2]Par exemple, Joseph d'Arimathie est figuré, sur les vitraux de l'Eglise Saint Onenne à Tréhorenteuc, recueillant le sang de Jésus cloué sur la croix. Il tient entre ses mains une coupe, le Graal, lequel est le centre du vitrail, entouré de motifs qui le mettent en relief.[3]À l'époque, cette représentation desservit la christianisation, car elle reprenait des symboles celtes en leur donnant une signification chrétienne. L'objet mythique a aussi été utilisé comme un instrument politique. Il a notamment permis de fédérer anglo-saxons et normands sous la bannière de Guillaume le conquérant.

            Ces aspects ont été transposés dans la série Kaamelott. Par exemple, Perceval trouve les clous de la Sainte-Croix et le Saint-Suaire : « Arthur (à Perceval) : Le Saint-Suaire ? Vous avez foutu en l'air le Saint-Suaire ? ».[4]La religion chrétienne occupe une place importante. Elle est notamment représentée par un inquisiteur joué par Elie Semoun, et un prêtre, le Père Blaise, incarné par Jean-Robert Lombard, qui transcrit les aventures des chevaliers. Selon eux, le Graal serait le récipient qui a contenu le sang du Christ. Si le père Blaise matérialise la présence de l'Eglise chrétienne, l'inquisiteur incarne quant à lui la folie des clercs, qui, sous couvert d'accomplir la volonté de Dieu, massacrent des innocents. A travers leurs agissements, Alexandre Astier dénonce l'hypocrisie de l'Eglise. Dans une scène, l'inquisiteur fait signer à Arthur une loi pour la monogamie, tout en lui expliquant qu'il n'aura qu'à se confesser pour ne pas changer ses habitudes polygames.[5]Ce personnage caricature de façon satirique une réalité historique : celle des croisades et de l'inquisition.[6]L'inquisiteur affirme à Arthur que tuer son prochain est criminel, mais qu'il est paradoxalement légitime de le faire pour accomplir la quête du Graal : « Le Graal ? Ah c’est bien ça, le Graal ! Ben ça y faut m’le dire avant ! Le graal, ça c’est bien, c’est bon ! Même si y’a des gens qui vous barrent la route, vous pouvez les mettre au bûcher par exemple. Vous en brûler quelques-uns…Là, vous pouvez être... La cruauté ! Ça s’est bien, ça c’est bon ! ».[7]La vision que donne ce personnage du Graal est donc ironique et hypocrite.

            Cependant, le Roi ne semble pas adhérer à cette conception de la spiritualité puisqu'il prie les Dieux romains (Livre IV et Livre VI).[8]D'ailleurs, dans les récits médiévaux, Arthur était : « un valeureux guerrier, libérateur Celte et gardien de la civilisation romaine et chrétienne ».[9]Comme le Graal, Arthur est un personnage syncrétique. En effet, le roi Arthur, comme le souligne Anne Berthelot, est avant tout une figure mythique :

 

 « Même s'il a existé un hypothétique « roi Arthur » serait-il conforme à l'image que donnent de lui les plus anciens textes ? Serait-il, en particulier, un souverain chrétien, alors que la plupart des sources historiques suggèrent que le christianisme est loin de l'avoir emporté en Grande-Bretagne vers la fin du Ve siècle ? Ou bien serait-il le bras armé d'une aristocratie païenne, voire de la caste des druides, si influents dans les sociétés celtiques ? Ou encore, pourquoi pas, un adorateur de Mithra, le dieu des soldats romains qui a semblé un temps devoir l'emporter sur le dieu chrétien dans l'empire ? (…) Il n'y a pas et il n'y aura sans doute jamais de réponses à ces questions. Peu importe, d'ailleurs, si un Arthur historique a existé : ce qui est certain, c'est qu'il a existé, et qu'il existe encore une figure littéraire de proportions légendaires, autour de laquelle se sont greffés toutes sortes de motifs et de séquences relevant de traditions très variées ».[10]

 

            Sa supposée tombe a été retrouvée à proximité de l'abbaye de Glastonbury. L'épitaphe mentionne Arthur et sa seconde femme, Wenneroria. Si l'hypothétique véritable roi Arthur a donc eu deux épouses comme dans la série, pour autant, Arthur n'aurait jamais été roi de Bretagne, mais Dux bellorum Britaniae ou chef de guerre. Le mot « dux » a d'ailleurs donné « duc » en français. Dans le Bas-Empire romain,  « dux » est un grade militaire. Le Dux bellorum, ou le chef de guerre, avait pour fonction d'administrer une tribu ou une région. Il pouvait aussi commander les troupes de garnisons. Arthur aurait pu être un chef de guerre qui aurait constitué ses propres troupes et vaincu les invasions barbares sous l'égide des Bretons. Arthur n'est donc probablement jamais devenu roi, ou chef de clan. D'autre part, il existerait plusieurs Arthur. D'après la théorie de Kemp Malone, Arthur serait en fait le chef de guerre Lucius Artorius Castus. Pour Geoffrey Ashe et Léon Fleuriot, Arthur est en fait Riothamus, un chef qui aurait été couronné « Roi des Bretons ». Quant à C. Scott Littleton et Linda A. Malcor, ils  affirment que le Roi Arthur est la synthèse de Riothamus et Lucius Artorius Castus. Peut-être, Arthur était-il en fait le dernier roi silurien, comme le prétend Withaer. Arthur pourrait aussi désigner l'ensemble des chefs celtiques qui se sont battus à cette époque pour défendre le Territoire des invasions barbares.[11] Si tous les historiens mentionnent Arthur en fondant leurs théories sur des preuves archéologiques, ou les textes de Geoffrey de Moumouth et Nennius,  aucun ne mentionne la quête du Graal. Peut-être existe-t-il, finalement, autant de quêtes du Graal possibles qu'il a existé d'hypothétiques rois Arthur. 

            Alexandre Astier s'est laissé séduire par la complexité du personnage historique et romanesque, ainsi que par celle du Graal. Le créateur de la série aurait pu choisir une interprétation, parmi celles déjà existantes, du Graal et de la Légende arthurienne. Toutefois, il a préféré traiter ces motifs tels qu'ils sont dans notre réalité historique : anachroniques, mythiques, syncrétiques. Il n'a pas donné une identité spécifique à son roi et au Graal, il leur en a conféré plusieurs. En outre, l'histoire de Kaamelott lui permettait de traiter ces motifs sous l'angle du déracinement, et d'inventer sa propre version de la légende : « Ce qui fait très envie après le drame de la saison 5, c'est de donner un background à tous ces mecs-là, notamment à Arthur ». Il s'agissait de raconter, dans le prequelle[12] comment le roi a acquis le pouvoir et comment il est devenu l'ordonnateur d'une quête qui lui est destinée, mais qui n'est pas la sienne. La quête du Graal  devait permettre au roi de bâtir un monde nouveau, et de fonder une nouvelle aire : « D'un coup il y a un nouveau monde à créer », mais aussi d'évoquer le monde qu'il a abandonné. Il vient d'un « pays où il fait chaud » et part vers « le pays où il fait froid. (…) Il s'agissait de projeter ce mec-là dans un monde qui n'est pas le sien ».[13]

            Comme le Graal, Arthur est donc profondément déraciné. Le roi ne sait plus d'où il vient, ni qui il est, et il évolue dans un monde qui n'est pas le sien. Finalement, le Graal est à l'image de son roi : syncrétique. Il est à la fois celte, romain et influencé par la chrétienté. Le Graal a donc plusieurs identités dans Kaamelott, comme le roi Arthur, car, tous deux sont des mythes transposés dans un univers où se mêle magie, Histoire, et quotidien.

            Le Graal a donc plusieurs identités, il a aussi plusieurs formes supposées.



[2]Ibid

[3]Xavier Lefebvre (real.), Babylone, « En quête du Roi Arthur », Phare Ouest [Issy Les Moulineaux]-cop 2007, Diffusé le mardi 28 août 2007. 

[4]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre III, Les clous de la Sainte-Croix, M6 Vidéo, 08/11/2006

[5]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Le Monogame, Livre I,M6 Vidéo, 28/09/2005

[6]Il fait aussi probablement référence au personnage du Purgateur dans les Warhammer, jeu de guerre stratégique. Dans le Livre IV, il deviendrait paladin. Il s'agit là aussi d'une référence à l'univers des jeux de rôles et plus particulièrement à Donjon et Dragon

[7]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre II, L'absolution, M6 Vidéo, 14/06/2005

[8]Ce dialogue extrait du Livre III, Le culte secret, est d'ailleurs représentatif de la cohabitation des diverses religions :          

« La Dame du Lac : Mais vous êtes en train de prier un dieu romain, vous vous foutez de ma gueule ? Je vous                signale que vous êtes légèrement engagé dans une quête au nom du dieu unique !

Arthur : Parce que le dieu unique il est celte, peut-être ?

La Dame du Lac : Non. Ben, le dieu unique… ben, il est unique !

Arthur : Oui, voilà. Et vous, alors, avec vos cheveux oranges et votre peau blanche comme une merde de crémier, vous êtes pas celte des fois ?

La Dame du Lac : Si. À la base, si.

Arthur : À la base ? Non mais qu’est-ce que c’est exactement, vous faites mi-temps chez les uns, mi-temps chez les autres ?

La Dame du Lac : Non, non, c’est pas ça.

Arthur : C’est pas ça. (Haussant le ton) La religion, c’est le bordel, admettez-le. Alors laissez-moi prier ce que je veux tranquille, ça m’empêche pas de continuer à le chercher, votre saloperie de Graal. »

[9]Margot Lenoir, « La quête du Graal, comment l'Eglise contrôle Arthur ? », Les cahiers de Science et Vie, Le roi Arthur le mythe à l'épreuve de la science, n°117, juin-juillet 2010, p40

[10]Anne Berthelot (dir.), La légende du roi Arhtur, éditions du Chêne -Hachette Livres, 2004, p 16-19

[11]Xavier Lefebvre (real.), Babylone, « En quête du Roi Arthur », Phare Ouest [Issy Les Moulineaux]-cop 2007

[12]Une préquelle est une œuvre dont le récit précède une œuvre antérieurement crée.

[13]Christophe Chabert (real.), Entretien avec Alexandre Astier, Cinecitta, produit par Jean-Yves Robin,  Cinecitta, Juin 2008

10 mai 2016

Mémoire sur Kaamelott, Introduction (extrait)

 « C'est le Saint Graal de la divine grâce,
Ses chevaliers puisent en lui l'ardeur.
De le servir quiconque obtient la gloire,
S'élève au rang d'un être surhumain;
Par lui le juste est sûr de sa victoire.
L'effort du crime expire sous sa main,
S'il doit partir vers une autre contrée,
Pour protéger le droit et la vertu,
Son pouvoir dure et sa force est sacrée »[1]

 Kaamelott du Graal au JDR Gazette du Geek (08)Telle est la description que donne Lohengrin du Saint Graal, dans l'opéra éponyme de Wagner. Cette définition  n'est ni universelle, ni univoque, car, le Graal est un objet de quête légendaire. Dans la Littérature, la représentation du Graal diffère selon les auteurs. Par exemple, dans les récits de Chrétien de Troyes,[2] le Graal était présenté sous la forme d'un calice qui aurait contenu le sang du Christ. Chez Wauchier de Denain,[3] le Graal était dépeint comme une corne d'abondance. Le Graal n'a pas d'aspect formel défini. Ses illustrations divergent beaucoup, car les artistes, au cours des siècles, lui ont prêté plusieurs formes, et donné plusieurs symboliques. Glorifié, détourné ou parodié, le Graal n'a jamais cessé de fasciner, sûrement parce qu'il est à la fois divin, mystérieux, et transcendant. D'ailleurs, Pierre Rivière dit que : « de tout temps et en tous lieux, le « réceptacle », ou récipient spirituel semble avoir été mis à l'honneur ».[4]Le Graal est donc sujet à diverses interprétations. En donner une définition précise relève de la gageure. De surcroît, il est difficile de déterminer son étymologie et son origine mythique.

Selon Mario Roques, le mot « Graal »  viendrait du latin gradalis et désignerait : « un récipient […] (de terre ou de bois), [...] assez profond, donc assez haut de bords et à fond non convexe ». Graal était aussi employé pour dénommer un « plat ». Dans les textes anciens, Graal désignait aussi de la vaisselle de table, et particulièrement des plats de présentation des mets » (sic.)[5]. Le Graal était donc un objet domestique. Pour Jean Frappier,[6] le mot Graal serait issu du latin médiéval gradale (attesté en 1010 dans le testament d'Armengol Ier d'Urgel en Catalogne). Il serait  peut-être un dérivé de « crater », signifiant « vase », ou de « garal », désignant un « récipient ». L'objet était alors désigné par ses parasynonymes « vaissel », « veissel », « vessel » ou « escuel ».  

Quant au mythe du Graal, il serait initialement  celte. L'objet était évoqué dans la légende intitulée La Mort du Cûroi. Dans celle-ci, le Graal était apparenté au chaudron du dieu Dagda. Il était, le plus souvent, accompagné par la lance du dieu Lug. Il permettait de ressusciter les morts, et abondait perpétuellement en nourriture. Cependant, d'autres représentations existaient dans d'autres pays à la même époque (notamment en Grèce, le Cratyle de Platon fait mention d'un objet semblable).[7]La genèse du mythe est donc elle aussi obscure.

            En Littérature, le mot « Graal » apparaît pour la première fois au milieu du XIIème siècle dans le Roman d'Alexandre.[8] Il fut popularisé sous la plume Chrétien de Troyes dans Perceval ou le conte du Graal. Il y acquit une dimension aux multiples facettes, comme le souligne Danielle Quéruel : « D'abord organisée sur le modèle féodal, l'institution de la Table ronde prend sa véritable signification lorsque les chevaliers sont lancés vers la quête de valeurs spirituelles. L'aventure du Graal en est la plus belle illustration. Le but de cette quête, c'est de parvenir à une forme de perfection morale et spirituelle, de renoncer aux valeurs mondaines et d'être parmi les élus qui rejoindront Dieu lors du Jugement Dernier ».[9] 

            Les récits chevaleresques traitant de la quête du Graal furent nombreux entre le XIIe et le XVe siècle. La place, le rôle et la forme du Graal évoluèrent : « le Graal devient chez Chrétien une splendide pièce d'orfèvrerie, faite pour le service d'une table royale, dont la nature merveilleuse demeure mystérieuse. (…) Plus tard, l'ermite (...) expliquera que le Graal est une "très sainte chose", dans laquelle est servie une hostie qui maintient en vie le Roi-Pêcheur »[10] Chrétien de Troyes ne fut pas l'inventeur du motif, cependant, il fut le premier à amorcer sa christianisation. Par la suite, les quatre Continuations de ce roman inachevé (rédigées par Wauchier de Denain, Manessier et Gerbert de Montreuil entre la fin du XIIe siècle et les années 1230) transformèrent les épopées chevaleresques en quêtes mystiques, déployant le caractère sacré et chrétien du Graal. Entre le XIIe et le XIIIe siècles, le Graal, dans le roman versifié l'Estoire dou Graal, puis dans les romans en prose Joseph d'Arimathie et l'Estoire del Saint Graal fut assimilé, par leur auteur supposé Robert de Boron, au calice qui aurait recueilli le sang du Christ : « Chez Robert de Boron, le Graal émet un rayonnement divin, une lumière due à la présence mystique du Christ. Avec le mythe du Graal apparaît donc l'espoir de la rédemption et la croyance que le monde pourra être libéré du mal. La quête du Graal devient la quête de la vérité ultime, de la Connaissance, pour un monde qui va vers son achèvement. »[11]Le cycle du Graal, constitué de cinq romans : l'Histoire du Saint Graal, le Merlin en prose, le Lancelot en prose, la Quête du Saint Graal et la Mort du roi Arthur (certainement écrits dans les années 1220-1230) participa à la sacralisation du Graal. Les aventures épiques des chevaliers se métamorphosèrent alors en « catéchisme de la chevalerie »,[12]rédigé sous forme de récits mystiques et allégoriques. Le Graal devint : « une relique dotée d'un double caractère sacré puisque le Christ y a pris son dernier repas et que Joseph d'Arimathie l'utilise comme réceptacle du Précieux Sang. Il est en outre conservé dans une arche sainte dotée de propriétés merveilleuses et interdite d'accès au commun des mortels, qui n'est pas sans rappeler l'arche d'alliance conservant les Tables de la Loi données à Moise et au peuple d'Israël dans le désert».[13]

            Pour Alain Guerreau, cet engouement pour le Graal et cette multiplicité des récits s'explique par le fait que : « L'adoubement chevaleresque est un phénomène marginal qui s'étend sur deux siècles (…) l'époque des romans de chevalerie et des romans courtois. Mais la chevalerie fut avant tout une manière pour l'aristocratie de tenter de se hausser au niveau de spiritualité des clercs. Ce n'est pas un hasard si le Graal a tenu une place considérable dans l'idéologie aristocratique des XIII, XIV et XV siècles : sa quête est une façon de revendiquer une légitimité de type ecclésial -la seule possible- par la possession et la garde du sang du Christ. Mais cela n'a jamais fonctionné que dans l'esprit des aristocrates ».[14]

            Après le succès rencontré au Moyen-Âge, il fut notamment évoqué dans le Quart Livre (attribué à Rabelais), au chapitre XLII et XLIII. La littérature chevaleresque se diversifia alors. Elle connut un large succès. Les légendes arthuriennes, contrairement aux autres récits plus populaires, étaient lues par un public cultivé et nostalgique de la tradition médiévale.[15] Cependant, l'effervescence ne dura pas. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les réécritures se raréfièrent.[16]

            La quête du Graal, en tant que motif littéraire, passionna de nouveau le public du XIXe siècle, notamment sous la plume de George Sand, qui acheva en 1844, ses romans Consuelo, La Comtesse de Rudolstadt.[17] Le vase sacré contenait alors « le sang et les larmes du Christ ». Puis, la résurgence de la légende Arthurienne dans les poèmes de Tennyson (Idylls of the King, 1859-1891), à l'opéra (Wagner) ou encore en peinture avec les peintres préraphaëlites, contribua à alimenter le brasier culturel qui ravivait le mythe.[18]

            Dès lors, les réminiscences du Graal, au cours des XXe et XIXe siècle,  foisonnèrent dans les divers domaines artistiques. D'un support à l'autre, le mythe s'enrichit. En effet, « la matière du mythe est plus complexe et les problématiques s'amplifient ».[19] Les réalisateurs du Septième Art s'emparèrent du motif et le portèrent au grand écran, comme Les Monty Python dans Sacré Graal !, filmréalisé par Terry Jones et Terry Gilliam, en 1975. En 2008, les créateurs de la série Merlin, Julian Jones, Jake Michie Johnny Capps et Julian Murphy, transposèrent librement l'imaginaire arthurien à la télévision.  En étant adapté du papier à l'écran, le mythe fut souvent vulgarisé. En effet « Le motif a ressenti un désinvestissement du sacré vers le profane populaire ». [20] Ce renouveau s'expliquerait, selon Anne Besson, par la « plasticité du mythe ». [21]

            En effet, bien qu'il soit indéfinissable, le Graal pourrait être caractérisé par quatre schèmes.[22]D'abord, le Graal est divin. Catholique ou païen, il appartient à un monde transcendant. Ensuite, le Graal dispense la vie éternelle ou de la nourriture à profusion. Puis, le Graal est apparenté à un récipient : plat, vaisselle, calice ou chaudron. Enfin, le Graal est associé au thème de la quête.

            Ces aspects, Alexandre Astier les a pleinement intégrés à l'écriture de sa série Kaamelott (produite par CALT, en 2005) : «  J'ai compris une chose : ce qui est important n'est pas ce qu'on raconte, mais ce qu’il y a dessous. C'est l'aspect mythologique et l'aspect commun qui parle à tout le monde qui est important. Si vous allez dans une surface spécialisée, vous pouvez prendre tous les DVD qui sont dans tous les rayons et les diviser, en terme de structures, en quatre ou cinq cartons, pas plus. Tous les films racontent la même histoire, il existe plusieurs traitements derrière. En ce qui me concerne, le traitement arthurien ne m'ennuie pas ».[23] La série Kaamelott traite de la légende arthurienne, et le Graal tient une place singulière dans le scénario de cette shortcom[24] à la fois comique, tragique, ironique et dramatique.

            Kaamelott narre l'histoire d'Arthur, fils adultérin de Pendragon. [...]

             Dans cet univers mythique, teinté de fantasy,[27] le Graal et la quête du Graal occupent donc une place centrale.

            La série est un subtil mélange de parodie, de comédie et tragédie, de cynisme, d'ironie, de drame et d'épopée. Elle joue sur le retournement, le détournement des situations et des mythes. Cette recette a fait le succès de son créateur-scénariste-monteur-compositeur-réalisateur-acteur principal : Alexandre Astier.  « Aussi étonnant que cela puisse paraître, (…) [Alexandre Astier] n'est pas un sérivore enragé. Ses séries préférées se comptent sur les doigts d'une main, et elles ne sont pas forcément celles que l'on pouvait attendre. Le créateur de Kaamelott est-il addict de la série moyenâgeuse du moment Game of Thrones ? Et bien non ! L'intérêt d'Alexandre Astier se porte en priorité sur l'humain : «Je veux voir des anti-héros !» supplie-t-il. Il est davantage friand d'un jeu d'acteur excellent dans un scénario simplissime, plutôt que l'inverse : « Le but de Kaamelott c'est ça : c'est la quête du Graal et les mecs qui s'en occupent, ils sont voilà … (il fait un mouvement de main équivoque, désignant le bas) »(sic.).[28] Effectivement, les chevaliers de Kaamelott ne sont ni des légendes, ni des lumières. Ils ne comprennent pas la portée symbolique du Graal.

[...]

        


[1]« Richard Wagner », Richard Wagner dans son opéra Lohengrin (opéra) en 1850 cité par Ernest Schmitt, Monde du Graal, nº hors-série n°4, novembre 2001

[2]Chrétien de Troyes, Le conte du Graal in Œuvres complètes, édition et traduction sous la direction de Daniel Poiron, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994, 1600 p.

[3]Bossuat, Robert, Manuel bibliographique de la littérature française du Moyen Âge, Melun, Librairie d'Argences (Bibliothèque elzévirienne. Nouvelle série. Études et documents), 1951, p. 172, nos 1849 et 1851; p. 173, nos 1862-1863; p. 174, no 1880; p. 456, no 379

[4]Pierre Rivière, Le Graal, histoire et symbole, Éditions du rocher, 1990, Monaco, p 25

[5]« Le Graal de Chrétien de Troyes » in Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1954, volume 98, numéros 3, p 366-367

[6]Claude Lachet, Les métamorphoses du Graal anthologies, GF Flammarion, 2012, Paris, p15

[7]Pierre Rivière, Le Graal, histoire et symbole, Éditions du rocher, 1990, Monaco, p 26

[8]Roman d'Alexandre, ms. de Venise ds Elliott Monographs, t. 1, p. 33, 618

[9]Danielle Quéruel, « La chevalerie arthurienne », exposition « arrêt sur Arthur », BNF

[10]Danielle Quéruel, « Le Conte du Graal », exposition « arrêt sur Arthur »,

[11]Danielle Quéruel, « Le Conte du Graal », exposition « arrêt sur Arthur », BNF

[12]Bernard Felix, Autour du Graal, Librairie Droz , coll. Publications romanes et Française, 1977, Genève, p 89-129

[13]Danielle Quéruel, « Le Conte du Graal », exposition « arrêt sur Arthur », BNF

[14]Serge Tignères, Interview Alain Guerreau, « la Féodalité, terme forgé au XVIIe siècle, une pure fiction », pour Les cahiers de Science et Vie, L'âge féodal, n° 144, avril 2014, p 96

[15]Eva Kushner (dir.), L'époque de la Renaissance, tome III, Maturations et mutations (1520-1560), John Benjamins Publishing Compagny Amsterdam/Philadelphia, collection Histoire comparée de la Littérature des langues européennes, 2011, p 323

[16]Le mythe du Graal ne fut préservé dans les textes que grâce au concours de la Bibliothèque Universelle des Romans du comte de Tressan, la Bibliothèque Bleue de Troyes et de Paris, et la Nouvelle Bibliothèque d'après Eva Kushner, Ibid, p 323

[17]Michèle Hecquet, Christine Planté (dir.), Lecture de « Consuelo », « la comtesse de Rudolstadt », Presses Universitaires de Lyon, 2004, Lyon, p 344

[18]Anne Besson (dir.), Le Roi Arhtur au miroir du temps, Terre de Brume, essais, Dinan, 2007

[19]Bekhouche Alicia (dir. Toudoire-Surlapierre Frédérique), À la conquête du Graal, réécritures et avatars du mythe du Graal dans la littérature populaire et la culture de masse, Université de Haute Alsace, (thèse de littérature comparée), 9 décembre 2011, p23

[20]Ibid, p 25

[21]Anne Besson (dir.), Le Roi Arhtur au miroir du temps, Terre de Brume, essais, Dinan, 2007, p 207

[22]Marie-Hélène Boblet (dir.), Chances du roman, charmes du mythe. Versions et subversions du mythe dans la fiction francophone depuis 1950, Paris : Presses de la Sorbonne nouvelle, 2013

[23]Cédric Melon, Interview d'Alexandre Astier, SérieScope 

[24]Une shortcom est un programme court qui se situe entre le sketch et la comédie. Les épisodes durent en moyenne entre une et sept minutes. Un gars, une fille, est la première shortcom diffusée en France.

[25]Cet arc narratif est développé dans la saison 6 de Kaamelott, qui sert en fait de prequelle à la série. Une préquelle est une œuvre dont le récit précède une œuvre antérieurement crée.

[26]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre III, La Chevalerie, M6 Vidéo, 08/11/2006

[27]« Genre littéraire qui mêle, dans une atmosphère d’épopée, les mythes, les légendes et les thèmes du fantastique et du merveilleux. (Recommandation officielle : fantasie.) [On dit aussi heroic fantasy.] » d'après Larousse, Éditions Larousse, « fantasy », 2014

[28]Mathilde Saez, Entretien d'Alexandre Astier, pour télé-loisirs, Prisma Média (G+J Network),2013  

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