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Tsilla's Univers
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19 avril 2015

Critique de Nous tous sommes innocents de Cathy Jurado-Lécina

 

Source: Externe

 

Nous tous sommes innocents

  • Auteur : Cathy Jurado-Lécina
  • Editeur : Aux forges de Vulcain
  • 205 pages

Résumé :

Les Passereaux, mai 1958. Jean est un jeune paysan qui aime inventer des histoires, rêve de devenir instituteur et de s’installer à la ville. Il espère un ailleurs, mais on ne choisit pas sa vie, aux Passereaux, et tout semble vouloir s’acharner contre ses rêves : le père de Jeannot qui lui refuse de quitter la ferme, la famille d’Odette qui s’oppose à ce que Jeannot l’épouse, la guerre d’Algérie, qui ne le rendra pas indemne. Acculé, Jean se ferme au monde au point de glisser dans la folie.
Roman du tourment, inspiré d’une histoire vraie, Nous tous sommes innocents raconte l’histoire déchirante d’un homme cerné par le tragique et, dans son regard, le destin d’une famille qui porte en elle le ferment de sa propre malédiction. Sommes-nous tous innocents ? Comment, jusqu’à son dernier souffle, un homme peut-il essayer de faire sortir ce cri qu’il porte en lui ?

Critique :

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J'ai lu beaucoup de livres. Je lis de tout : du pamphlet, de la poésie, des romans, des pièces de théâtre, des articles...J'ai lu beaucoup, je n'ai pas tout lu. Pourtant, peu de livres m'ont fait autant d'effet que celui-là.

Je dois tout de même vous faire une confession : au début, j'ai eu du mal à accrocher. Je n'ai pas du tout aimé le type de narration proposé. Le ou les narrateurs raconte cette histoire en employant un "on" quasi Flaubertien (Flaubert, mon amour, si tu m'entends là où tu es). Je m'explique : le premier chapitre de Madame Bovary (livre tant aimé, tant haï par nos chères têtes blondes) débute par la description de Charles Bovary, et plus précisément, par son arrivée lors de son premier jour d'école. Le petit est tellement impressionné et timide qu'il ne parvient même pas à prononcer correctement son nom, déclenchant ainsi l'hilarité générale. La description est faite par un ou des narrateurs, qui sont vraissemblablement les camarades de Charles. Les narrateurs ou le narrateur emploie un "on" qui n'aura plus aucun échos dans le reste du roman. Oui, oui, vous avez bien lu. Le narrateur du premier chapitre n'apparaît plus dans les chapitres suivants, comme s'il avait disparu.

Ici, le narrateur ne disparaît pas, jamais, le "on" est présent du début à la fin du roman. Il désigne les villageois qui peuplent le bled dans lequel se déroule le récit. Au début, ce "on" m'a perturbée, je me demandais "Mais pourquoi a-t-elle fait raconter cette histoire par les paysans du coin?" Surtout que ce roman me semblait relativement banal : Jeannot rêve de devenir instituteur, mais ce n'est pas dans les projets de ses parents, qui habitent dans un trou paumé où ils élèvent des vaches et des poules. Jeannot a deux soeurs. Claudine, qui fricotte avec médecin de Pau, et Paule, qui souffre d'un "mal" mystérieux. Paule aime chanter toute seule devant sa fenêtre et s'enfuit souvent à travers champs. Elle a un problème psychiatrique, les narrateurs ne livrent que peu d'informations sur le sujet. En résumé, la vie de Jeannot, loin d'être idéale, n'était, à ce stade du récit, pas vraiment palpitante.
Il me fallut trois semaines pour lire les premiers chapitres qui instaurent le cadre que je viens de vous décrire.
Il me fallut seulement quelques heures pour terminer le reste du roman.

Paule tombe enceinte, et a été violée, mais refuse de dire par qui.

Jeannot part à la guerre, et en revient différent, changé. En fait, il est devenu complètement paranoïaque.

Claudine rompt avec son médecin, mais ils finissent par se remettre ensemble.

Le père de famille pète littéralement un câble.

La mère semble impuissante, prise dans les feux de cette tragédie.

Le chant des narrateurs se mute peu à peu en chanson funèbre, à la manière d'un choeur qui conterait une tragédie sous forme romancée.

La folie imprègne peu à peu chacun des personnages, comme s'ils devenaient possédés par elle. C'est une folie terrible, qui va au-delà même de la simple maladie mentale. Cette folie est le manque d'amour. Cette folie, c'est la solitude qui se fait grandissante à chaque nouvelle page, mais aussi la démence de la condition humaine. Les émotions sont terriblement intenses, elles m'ont emportée, entraînée, enchaînée avec elles, dans leurs tourments. J'ai eu la nausée en lisant certaines descriptions, j'ai pleuré, j'ai eu la sensation, comme Jeannot, d'avoir été trahie quand j'ai compris qui était le coupable du viol de Paule.

La lecture a été une expérience violente et puissante, j'ai adoré.

C'est, je le crois, la première fois que l'expérience de la lecture me pousse aussi loin. Je remercie l'auteur et son éditeur pour ce moment.

Personnellement, je vous dirais que ce livre n'est pas pour "tout le monde", enfin, pas pour les personne qui ont envie "de lire des livres pour rêver". Le rêve n'a pas sa place dans cette tragédie noire.

Nous tous sommes innocents n'est pas livre, c'est un gouffre. Pour le savourer, il faut avoir le courage de sauter dedans. La lecture ne pourra pas vous laisser indifférent(e).

 

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