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Tsilla's Univers

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7 avril 2018

Interview de Gil Graff

Interview de Gil Graff tsilla s univers (07)

Biographie :  

Gil Graff est née en 1962 dans un village aux alentours du Mans. Elle vit dorénavant à Saint-Cyprien (66). Derrière ce pseudonyme androgyne se cache une romancière, valeur montante du polar catalan.
Si elle n'a pas vécu mai 68, elle en a en revanche retenu l'ambiance, entre le désordre généralisé et quelques revendications utopistes. Elle a été baba cool puis punk, avant de se ranger et de se mettre à écrire. Lucide, elle écrit des livres souvent irrévérencieux, entre polar et science-fiction, s'attachant à développer la psychologie de personnages ordinaires.
Sa connaissance des milieux spécifiques vient de son parcours professionnel : depuis 16 ans animatrice et coordinatrice jeunesse dans une petite ville, Gil Graff travaille en relation avec la mission locale jeune et accompagne dans leurs démarches les jeunes les plus en difficultés d'insertion qui sont sous contrats CIVIS.
Issue d'une famille socialement mixte : son père vient d'une famille bourgeoise ancrée dans la Sarthe alors que sa mère des gens du voyage, cela lui permet d'être à l'aise et sans préjugés avec différentes catégories sociales.

Bibliographie Non Exhaustive :
La stratégie du cochon, éd. Cylibris, 2002 (policier).

Concerto pour l'abattoir, éd. Cylibris, 2004 (SF).
L'air du temps, éd. Cylibris, 2004 (roman).
Chronodrome, éd. Cap Béar, 2005 (SF).
Vous aurez de mes nouvelles dans les journaux..., éd. Cap Béar, 2007 (nouvelles policières).
Catalan psycho, éd. Mare Nostrum, 2008 (nouvelles policières).
Céret noir, éd. Mare Nostrum, 2011 (policier).

Interview :

 

Interview de Gil Graff tsilla s univers (01)

A quel âge avez-vous ressenti le besoin d’écrire ?
J’ai su lire et écrire très tôt, dès la deuxième année de maternelle, j’avais donc quatre ans et j’étais très impatiente qu’on me donne le porte -plume et l’encre réservés à ceux qui étaient dans leur dernière année.  Ecrire était donc un réel besoin pour me distinguer des autres afin que ma maman m’aime enfin !

Quelles ont été vos premières sources d’inspiration ?

J’avais donc quatre ans lorsque j’ai déchiffré seule mon premier livre c’était : « Oui Oui en voyage » , j’avais donc des personnages : Oui oui et son ami Potiron… J’ai vite réalisé que, dans ma tête, je pouvais leur faire vivre un tas d’histoires puis j’ai soupçonné que je pouvais inventer mes propres personnages. Du coup, lorsque l’on me demandait ce que je voulais faire lorsque je serai grande, je disais : je veux être Enid Blyton !

Interview de Gil Graff tsilla s univers (03)

Comment conciliez-vous votre passion et votre vie de femme?
Je ne vois pas en quoi écrire influerait sur ma vie de femme, il y en a qui vont perdre 3 heures dans une salle de sport, d’autres méditent en faisant du point de croix, certaines tricotent d’autres encore s’adonnent aux sports de combat, ben moi j’écris… Lorsque je me livre à une activité manuelle : maçonnerie, agriculture et même  – berk ! – le ménage, j’ai la tête qui se met à broder des histoires alors, s’il me reste du temps après mon travail (je suis coordinatrice jeunesse dans une municipalité) je me mets à écrire…

 

Selon vous, quelle est l’image de la femme en ce 21? siècle ?

Je trouve que malheureusement la condition féminine régresse. Ma fille de 19 ans hésite à mettre une minijupe pour sortir en ville, de crainte d’être importunée par certains garçons, à mon époque, mes copines et moi, nous n’aurions jamais accepté que des gamins de notre âge nous dictent notre conduite vestimentaire. Je leur aurais donné un bon coup de Santiag dans les parties… J’entends que la mode du corset revient à la mode…. J’avais 20 ans en 1982, donc les bras m’en tombent. Ailleurs, les femmes sont voilées, d’autres sont lapidées… Il faut être une politicienne pour croire que le seul combat qui reste à mener est la parité dans les élections et que la revendication du salaire égal est en bonne voie. Donc, sur la planète Terre, pour les filles, ils reste du boulot, à moins qu’elles y trouvent leur compte…

Interview de Gil Graff tsilla s univers (05)

Partagez-vous avec vos proches ce que vous écrivez ?
Non, une fois que le livre est édité ou le manuscrit à mon avis terminé, je donne à lire seulement si on me le demande. Il m’est arrivé parfois de lire quelques extraits au père de mes enfants lorsque j’étais incertaine d’être cohérente dans le récit mais je me fâchais s’il émettait des réserves. Je préfère partager mon plaisir d’écrire au travers d’ateliers d’écriture. Depuis 2009, j’interviens deux mois par an à la Maison d’arrêt des femmes de Perpignan. Je suis très heureuse lorsque celles qui se tiennent éloignées de la lecture et qui pensent qu’écrire dans le sens  « oeuvre d’imagination »   est réservé à une élite, arrivent à sortir des petits textes bien à elles (ces textes sont consultables sur le site de la LR2L ).

Comment définiriez-vous votre style et s’est-il transformé au fil du temps ?
C’est difficile de se définir soi-même. J’utilise le langage courant en évitant les fioritures et les figures de style ampoulées, je ne me regarde pas écrire, ce qui compte c’est l’histoire que je suis en train de raconter, je cherche avant tout le bon mot : celui qui va au mieux traduire ma pensée, pas à «  étaler »  de la culture, et pourtant, on me félicite souvent sur la richesse de mon vocabulaire. J’ai écris plus d’une dizaine d’histoires, sept ont été publiées, j’ai volontairement enterré certains textes.  Je pense avoir gardé mon «  ton » au fil du temps, peut-être parce que je n’ai jamais cherché à écrire à la manière de…
On peut dire, peut-être, que l’humour noir me caractérise. J’ai horreur du pathos et je préfère rire des atrocités plutôt que d’en pleurer.

Interview de Gil Graff tsilla s univers (04)Quels sont les éléments de vie qui ont induit vos choix littéraires (roman, essais etc.) ?
La plupart du temps ils se sont imposés. J’avais des trucs à dire :
-) sous couvert de raconter une histoire j’ai «  « dit ». Mes histoires avaient un thème en filigrane. La toute première histoire qui aurait pu être publiée parlait de l’enfance. J’ai relégué ensuite le texte aux oubliettes. J’ai aussi répondu à deux commandes : Catalan Psycho et Céret Noir, j’ai aimé les écrire tout autant que les autres.

Quelles sont actuellement vos sources d’inspiration  ?
La source de l’inspiration c’est à mon avis l’imagination, je laisse aux spécialistes du cerveau le soin d’en expliquer les mécanismes. Si j’ai rien à raconter, je me tais.

Interview de Gil Graff tsilla s univers (05)

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’élaboration de vos ouvrages ?
Le nombre de pages ! La fabrication d’un livre coûte cher et les éditeurs grincent des dents lorsqu’on leur soumet un pavé. Sinon, en dehors de cette contrainte matérielle, il me manque souvent le temps.

Quelle lectrice êtes-vous ?

J’ai beaucoup lu, je lis un peu moins, cependant j’ai toujours un livre en cours de lecture, mais je suis devenue difficile et intraitable : si un livre me tombe des mains, je laisse tomber, donc j’achète peu et j’emprunte beaucoup. Je lis peu d’auteurs français en dehors des classiques.

Interview de Gil Graff tsilla s univers (06)

Quels sont vos projets littéraires ?
Une sombre histoire avec des «  vilaines  » filles.

Quels sont les acteurs que vous choisiriez pour interpréter vos personnages à qui confiriez-vous la réalisation ?
Je n’en suis pas là, pour moi le cinéma est un cercle très fermé. Pourtant je sais que certains de mes livres «  tournent  » actuellement de mains en mains parmi des réalisateurs.

Quel est votre livre de chevet ?

Le dictionnaire.

Dans l’histoire de l’humanité, quels sont les personnages que vous ont marquée ?

Lilith la première femme d’Adam, qui a refusé d’être inférieure à l’homme. C’est à peine une dérobade… Sinon j’ai été impressionnée par l’histoire de Phoolan DEVI.

Quels artistes vous touchent le plus ?
Les musiciens peut-être…

Quel est votre plat catalan préféré ?
L’escalivade.

Quel est votre restaurant préféré ?
Salim ! Nul n’égale mon chéri en matière de cuisine !

 

son blog : http://gilgraff.canalblog.com/

 

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30 mars 2018

Interview de Thierry Herrbach-Vidal

Interview de Thierry Herrbach-Vidal tsilla s univers (02)

Thierry Herrbach-Vidal a fait ses études à Paris I Panthéon Sorbonne. Il est actuellement journaliste et vit à Montpellier. Photographe amateur depuis l'âge de 30 ans, ses compositions sont principalement intéressantes pour leur originalité et le regard qu'elles offrent sur l'actualité. Un artiste à découvrir. 

A quel âge avez-vous commencé votre activité?

De façon régulière, pour la photo de modèles, vers 30 ans. Auparavant, je faisais beaucoup de reportages.

Interview de Thierry Herrbach-Vidal tsilla s univers (03)

Comment concilier passion et vie privée?

Faut-il –et peut-on ?- considérer qu’une passion est extérieure à sa vie privée ? Je pense qu’une vraie passion est au cœur de la vie. Je me suis habitué à être un peu un « personnage public » avec mon travail d’attaché de presse, en vivant le quotidien des personnes publiques (politiciens, artistes, journalistes). C’est très difficile d’évaluer le moment où l’on est dans la sphère privée avec ces gens-là ! La photo de modèles est justement une activité intégrée à mon domaine privé, par opposition avec les photos que j’avais à faire pour des évènements publics.

Interview de Thierry Herrbach-Vidal tsilla s univers (04)

Comment définiriez-vous votre style et s’est-il transformé au fil du temps ? Quelle célèbre photo auriez-vous aimé prendre?

En faisant de la photo de modèles, j’ai appris beaucoup sur les motivations des gens, à les écouter et les respecter. Venir poser n’est pas une démarche anodine. Il y a une recherche –une demande- de construction d’une image de soi. C’est ce que le modèle attend. Photo que j'aurais aimé faire : un portrait de BREL. Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’élaboration de vos oeuvres? La principale difficulté est de photographier quelqu’un et qu’il ressemble sur un instantané à ce qu’il « est » vraiment : timide ou extraverti, hyperactif ou calme, inquiet ou posé, etc. Je joue sur l’attitude corporelle, sur la position du regard, sur les expressions du visage ET sur la nature des éclairages. Chacun de ces éléments est porteur d’une symbolique liée.

Interview de Thierry Herrbach-Vidal tsilla s univers (05)

Quels sont vos projets ?

Si j’excepte les projets de voyages à l’étranger, qui sont une évasion et la découverte du monde dans lequel je vis (je ne suis pas un vrai « touriste »), mon projet est de continuer à rencontrer des gens, à leur être utile, et bien sûr à continuer mon activité photo. Sortir une exposition photo.

Quel est votre livre de chevet ?

Je viens de lire la plupart des livres de YASMINA KHADRA. Des romans indispensables pour comprendre l’imposture islamiste. Je lis beaucoup, tous les soirs. Je suis sur la « Route du Papier » d’Eric ORSENNA. Et je recommande les romans policiers du grand maître du genre : Michael CONNELLY. Dans l’histoire de l’humanité, quels sont les personnages que vous ont le plus marqué(e)? Pour l’histoire, j’exclus tout de suite les personnages « marqués religion », ça en fait tomber beaucoup. Alexandre le Grand, Michel-Ange, Amerigo Vespucci et Christophe Colomb, Voltaire, Lincoln, Adenauer, Mandela, Gambetta, Jaurès, Blum, Mendes-France pour les Français. Quels artistes vous touchent le plus? Peinture : globalement les impressionnistes, et puis Dali, Picasso, Chagall Cinéma : Bo Widerberg, Visconti, Pietro Germi, James Bidgood, Franco Zeffirelli, Coppola, Jacques Feyder, John Schlesinger, Altman, Truffaut, Woody Allen, Claude Miller, Denys Arcand, Pierre Jolivet, Chaplin, Fellini, Hitchcock, Antonioni, Roman Polanski, Pedro Almodovar, Jacques Tati, Vittorio De Sica, John Osborne. Il n’y a pas qu’eux ! J’aime presque tous les genres de musiques –sauf le rap, définitivement. Selon vous, quelle est l’image de la femme en ce 21° siècle ? L’image : active, compréhensive, efficace. Pacifiste. Les femmes sont les victime des religions qui sont la cause d’une grande partie des guerres et de presque tous les blocages sociaux. Une image très positive.

Quel est votre plat préféré ? 

Un steak bleu.

Quel est votre restaurant préféré ?

Maison Troisgros, Place de la Gare, 42300 Roanne, France. Inoubliable. Je l’ai découverte à l’époque où les deux frères venaient en salle en fin de service. Je me suis autorisé à aller ponctuellement, une fois, dans des restaurants exceptionnels. C’est évidemment hors de mes moyens.

Interview de Thierry Herrbach-Vidal tsilla s univers (01)

30 mars 2018

Interview d'Inma Abbet

Interview d Inma Abbet tsilla s univers (02)

Inma Abbet a été licenciée de Lettres Modernes. Elle a étudié à l'Université de Strasbourg II. D'abord enseignante, puis traductrice, elle s'est lancée dans les arts plastiques vers l'âge de trente ans, sans toutefois abandonner sa passion des livres. 

Auto portrait, 2007

1) A quel âge avez-vous commencé vos activités?


Je dessine depuis que je sais tenir un crayon en main, ce qui a dû arriver vers l’âge de deux ans. Plus sérieusement, j’ai pratiqué le dessin et la peinture pendant longtemps, comme une chose naturelle, sans penser en faire un métier. J’accrochais mes dessins chez moi ou les offrais à des amis. Plus tard, lorsque j’habitais déjà en Suisse, à l’âge de trente ans environ, j’ai eu la chance de croiser des personnes qui m’ont fait confiance pour exposer mes dessins et tableaux. Puis, j’ai réalisé quelques illustrations, dans un cadre professionnel. Une deuxième exposition s’en est suivie il y a un mois, en France, et une troisième aura lieu en décembre prochain, de nouveau en Suisse. Cependant, ce n’est que tout récemment que j’ai décidé de m’accrocher à ce train, de continuer à ce rythme. J’ai une formation littéraire, avec une licence de lettres modernes : je me suis orientée d’abord vers l’enseignement, puis vers la traduction, que je pratique encore. À présent, j’écris beaucoup, et je continue de tenir un blog dédié à mes lectures. J’essaie de suivre ainsi ma vocation double, la peinture et l’écriture.


Portrait à la tresse

2) Comment concilier passion et vie privée?


Pour qu’il y ait la souplesse nécessaire, il faut beaucoup de liberté et d’indépendance au sein du couple et de la famille. Il s’agit, non seulement de la fameuse « chambre à soi », mais aussi d’un temps qui n’appartient qu’à nous, de moments de réflexion et de solitude qu’il faut pouvoir aménager, car le temps n’est jamais gratuit. J’ai la chance infinie, pour ces questions-là, d’être très bien entourée. Mes passions sont bien accueillies.


Interview d Inma Abbet tsilla s univers (03)

3) Comment définiriez-vous votre style et s'est-t-il transformé au fil du temps?


J’aime les lieux mystérieux, les lumières incertaines, les heures bleues… J’ai voulu refléter cela à plusieurs reprises. Ensuite, je me suis intéressée aux lignes droites, aux figures géométriques que l’on peut dégager de certains paysages des Alpes, une sorte de grandeur glacée dont j’ai essayé de garder la trace en utilisant un style qui m’est propre, qui ressemble par certains côtés au cubisme, mais en intégrant des éléments figuratifs. J’admire toujours la finesse du dessin classique, qui exige une discipline particulière, et j’aime aussi les couleurs contrastées, le fait qu’une seule nuance, ou un ensemble de nuances, puisse attirer et concentrer le regard du spectateur sur la toile ou le papier, en particulier dans les compositions abstraites.


Interview d Inma Abbet tsilla s univers (04)

4) Sur quels supports et avec quels outils aimez-vous travailler et quelle est votre technique de prédilection?


Le papier et l’eau sont les bases pour moi. Ce sont les deux éléments qui m’inspirent le plus, parce que la nature du papier, sa composition et sa texture, peuvent avoir une grande influence, parfois inattendue, sur l’aspect final d’une œuvre, sur la façon dont les pigments sont absorbés… Sans oublier que l’œuvre sur papier n’est jamais achevée, car le support reste fragile, se modifiant inévitablement avec le temps. Ces changements peuvent affecter les couleurs, les rendre plus pâles ou plus ternes. L’eau est tout aussi importante, pour diluer les pigments. J’utilise principalement des crayons aquarellables, mais également de la peinture acrylique, du pastel, de l’encre et de la gouache. Il m’arrive de mélanger tout cela dans un unique dessin pour créer certains effets.

Les paillons, crayon sur papier, 2017

5) Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’élaboration de vos œuvres ?


Je dispose d’un espace suffisant pour peindre, et d’un bureau où je peux travailler et écrire… Mais je finis par utiliser la table de mon salon comme table de dessin, parce que la lumière y est meilleure, et je suis en compagnie de mes deux lapins, avec le désordre conséquent, car l’espace de travail d’un artiste est rarement bien rangé. Dans une phase ultérieure, il y a aussi d’autres problèmes pratiques, comme la gestion du temps et des œuvres exposées. Préparer une exposition, envoyer des tableaux, s’assurer qu’ils arrivent à destination, prendre en charge les différents frais, faire connaître un évènement, vendre des œuvres… On se retrouve vite à jouer plusieurs rôles pour lesquels on n’a pas forcément l’expérience nécessaire, et on apprend sur le tas, à partir des petits échecs, à prévoir des difficultés majeures.


Interview d Inma Abbet tsilla s univers (07)

6) Quelles ont été et quelles sont vos sources d'inspiration?


La couleur des bulles de savon ! Ce n’est pas une plaisanterie. J’ai souvent regardé avec la plus grande attention ces détails infimes : le rayon de soleil qui traverse la poussière, la bulle de savon qui, avant d’éclater, reflète les couleurs de l’arc-en-ciel, les nuages du soir qui se teintent de rose vif à l’approche de l’hiver… Ce qui rend ces expériences visuelles précieuses est la conscience de leur caractère éphémère. Les impressions sont certes fugaces, mais l’idée qu’elles continuent à briller longtemps après leur disparition me paraît très séduisante. Je dirais que ma source d’inspiration est cette trace éphémère qui, loin d’être oubliée, réapparaît de manière tenace dans le souvenir et le rêve. Cela peut être le regard d’un animal familier, ou le rire d’une personne aimée, une chanson que l’on croyait perdue, ou une promenade nocturne dans Florence ou Barcelone. Des associations de lumières, de couleurs, de parfums…

Interview d Inma Abbet tsilla s univers (08)

7) Quels sont vos projets ?

Dans le domaine artistique, je réalise depuis quelque temps des collages dans lesquels j’insère des poèmes. C’est ma façon personnelle de faire appel à plusieurs sens, de combiner la peinture et l’écriture. Aussi, J’ai également dessiné des motifs destinés à être imprimés sur des tissus et dessiné des vêtements et des modèles de lingerie. Je suis en train de développer certains d’entre eux.


8) Quel est votre livre de chevet ?
J’hésiterais entre De l’amour de Stendhal et les Fictions de Borges.


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9) Quels artistes vous touchent le plus?

Souvent, ce sont ceux qui se sont écartés des sentiers battus, et qui ont développé un imaginaire étrange et hors du commun, à partir d’une base classique. Des maîtres du dessin qui ont mis beaucoup de poésie dans leurs traits. Paul Klee est de ceux-là, mais aussi Mervyn Peake, Andrew Wyeth, M.C. Escher… Pour des plus anciens, mes goûts sont multiples, allant de la peinture japonaise aux maîtres du Trecento, en passant par le charme des Préraphaélites, d’un Vermeer ou d’un Véronèse.

10) Selon vous, quelle est l’image de la femme en ce 21° ?

Aujourd’hui nous avons des possibilités de développement incroyables et un niveau de confort sans aucune mesure avec celui de nos aïeules. À nous de nous servir à bon escient des technologies qui nous simplifient la vie, nous permettent de nous épanouir et de profiter des forces et des atouts qui nous sont propres. Pour moi, la meilleure image de la femme, à n’importe quelle époque, est celle d’une femme forte et libre. J’ai toujours personnellement vu les différences avec les hommes comme une source de richesses, et préféré la liberté à l’égalité.

Interview d Inma Abbet tsilla s univers (10)

11) Quel est votre plat préféré?

J’aime le chocolat, sous toutes ses formes et couleurs.


12) Quel est votre restaurant préféré?


Pour des raisons sentimentales : la Brasserie du Grand Chêne du Lausanne Palace.

sa page facebook : https://www.facebook.com/InmaAbbetDessinPeinture?fref=ts

son blog sur la littérature : http://inma-abbet.blogspot.fr/

 

13 mars 2018

Interview de Françoise Delmon

 Biographie

Mon enfance s'est déroulée à Paris. Littérature, peinture, musique, cinéma et sculpture faisaient partie de mon univers et je m'en suis abreuvée, dévorant les romans de la bibliothèque du salon, inventant des histoires avec les dignitaires chinois en ivoire et le faune en bronze etc... Je me suis donc tout naturellement orientée vers des écoles d'art (Lycée Elisa Lemonnier et l'École Boulle). Mon mariage m'a entraîné à Lyon où j'ai débuté comme décoratrice, puis comme professeur de Décoration d'intérieur. A cette période de ma vie, je me suis mise à compiler des informations hétéroclites et à rédiger des nouvelles, m'imprégnant de lecture ; œuvres classiques et contemporaines, B.D sans oublier les sagas de science-fiction.
En 1990, je me suis installée sur Perpignan, j'ai repris des études aux beaux-arts et ai entamé une nouvelle carrière de professeur d'art plastique. C'est en 1995 que j'ai réellement commencé à écrire dans toutes les directions en suivant les divagations de mon esprit « peuplé ».
Les sorties de mes romans. Le premier « Le silence peuplé » en 2010 une fiction historique, puis le deuxième, un policier psychologique et historique « Le rire des anges » en 2012 aux Presses Littéraires.
Trois romans vont sortir très prochainement, fin 2013 et premier trimestre 2014. (un roman, un roman graphique humoristique et un policier)

Interview de Françoise Delmon tsilla s univers (02)

1. A quel âge avez-vous ressenti le besoin d'écrire ?

A l’adolescence, je me suis mise à compiler des informations hétéroclites (documents de personnes ayant connus les deux guerres, histoires atypiques d’hommes et de femmes de mon entourage). Je rédigeais des nouvelles, des contes, des poèmes comme tous les ados et je m'imprégnais de lecture ; œuvres classiques et contemporaines, bandes dessinées, philosophie, sans oublier les sagas de science-fiction, j’étais boulimique et sortais peu. En 1990, je me suis installée sur Perpignan, j'ai repris des études aux beaux-arts et ai entamé une nouvelle carrière de professeur d'arts appliqués (art plastique en lycée professionnel). C'est en 1995 que j'ai réellement commencé à écrire des manuscrits plus conséquents dans toutes les directions en suivant les divagations de mon esprit « peuplé ».


2. Quels sont vos sources d'inspiration ?

La vie, les vies, les parcours, l’histoire, l’art, les légendes, la mythologie, l’enfance, la psychothérapie, les évènements traumatiques, les affections, les blessures et leurs cortèges de douleurs et d’espoirs. Mon esprit est un grand pourvoyeur d’idées, elles me viennent sans que je le décide. Ce sont soit des images qui me viennent à l’esprit, un petit scénario, puis je tisse une histoire, les personnages naissent, m’entraînent et me mènent où ils le désirent…
Et puis, ma vie, même si je n’ai aucune envie d’écrire « Mon Histoire perso ».

Interview de Françoise Delmon tsilla s univers (03)

3. Comment conciliez-vous votre passion et votre vie privée ?

Pour moi, j’écris bien quand je suis bien dans ma vie, j’écris rarement dans la douleur… Alors, comme ma vie a été traversée de longues périodes douloureuses, j’ai eu de longues périodes où j’ai écrit pour me soigner et non pour transmettre. Aujourd’hui, j’aime ce que j’écris et j’aime le partage avec mes lecteurs. Il est certain que pour se plonger dans mes récits je dois m’isoler, c’est un travail comme un autre et ma famille me soutient.


4. Selon vous, quelle est l'image de la femme en ce 21° siècle ?

Ce 21e siècle « le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas ! » dit André Malraux. Je pense que la femme a un rôle très important à jouer. La femme du 21e siècle est un peu multifonctions, elle se doit de parler de paix, de tolérance, de rapprochements, d’écologie, d’espoir. Le poids de la planète est entre ses mains, "L'avenir de l'homme, c'est la femme. Elle est la couleur de son âme." Dit Louis Aragon dans « Le Fou d’Elsa » en 1963. « La femme est l’avenir de l’homme » chante Jean Ferrat en 1975. La femme est le symbole de la maternité, de la sécurité, de l’amour…


Interview de Françoise Delmon tsilla s univers (04)

5. Partagez-vous avec vos proches ce que vous écrivez ?

Oui, bien sûr. Je parle de mes projets à mes proches et je demande leur avis. Je pense qu’ils représentent un éventail intéressant du lectorat. Et, ils sont « critiques » dans le bon sens du terme, ils me font avancer.

6. Comment définiriez-vous votre style et s'est-il transformé au fil du temps ?

Mon style est très diversifié. J’écris, depuis toujours, selon l’inspiration du moment. Je peux passer du roman historique et psychologique au polar, du conte pour enfant au roman d’ados fantastique, du roman graphique humoristique aux nouvelles, de la science-fiction au roman de Noël. J’aime surprendre et me trouver là où l’on ne m’attend pas. Mais j’ai un fil conducteur : l’espoir, l’amour, le cœur, la reconstruction, la justice. Je suis positive et fière de l’être. Je dois avouer que plus j’écris, plus je m’améliore (ce sont des lecteurs qui disent cela…)

7. Quelles difficultés rencontrez-vous dans l'élaboration de vos ouvrages ?

J’écris généralement des romans (chorales) plusieurs personnages, plusieurs époques, des feed-back. La difficulté principale est que tout s’emboite correctement (les dates, les lieux, la véracité de la vie dans les diverses époques…) Je fais des plans pour chaque roman.
J’ai toujours plusieurs projets en chantier, donc lorsque je suis bloqué sur un récit, je laisse le temps faire son œuvre et je travaille sur un autre. En ce moment, j’ai des nouvelles fantastiques, une trilogie de science-fiction (un futur proche et possible).

Interview de Françoise Delmon tsilla s univers (05)

8. Quelle lectrice êtes-vous ?

Je suis une bonne lectrice, mais je ne suis pas une boulimique, ni une lectrice obligatoirement dans le « mouv ». Je lis par affinité et par coup de cœur. Le hasard me conduit.

9. Quels sont vos projets littéraires ?

Ils sont nombreux et divers comme je vous l’ai précisé plus haut. Un roman graphique, un conte initiatique et fantastique pour enfant, un autre polar…. J’ai une douzaine de romans déjà commencés dans mes tiroirs. Dans ma tête, je ne compte pas !!!

10. Quels sont les acteurs que vous choisiriez pour interpréter vos personnages à qui confiriez-vous la réalisation ?

Je n’en ai aucune idée, je ne suis pas penché sur le problème, même si de nombreuses personnes m’ont dit que mes romans feraient de très bons films.

Interview de Françoise Delmon tsilla s univers (06)

11. Quel est votre livre de chevet ?

Je n’en ai pas car je ne veux pas privilégié un auteur. Il y en a tellement de fabuleux. Quand j’étais ados j’ai dévoré Les Rougon-Macquart d’Emile Zola, Albert Camus, Fortune de France Robert Merle et tant d’autre…


12. Dans l'histoire de l'humanité, quels sont les personnages que vous ont marquée ?

La grande histoire et la petite histoire m’inspirent tout le temps, comme le futur d’ailleurs. J’aime particulièrement l’antiquité, le moyen-âge, la révolution, le début du vingtième siècle et la première guerre mondiale.

13. Quel est votre plat préféré ?

Le fondant au chocolat avec sa crème anglaise.

 

2 mars 2018

Interview de Michèle Bayar

Interview de Michèle Bayar tsilla s univers (0)

Biographie : 

De père tunisien et de mère française, Michèle Bayar vit la première partie de sa vie en Algérie. Elle y côtoie les milieux traditionnalistes français et algériens et ceux, plus cosmopolites, liés à la production d'hydrocarbures. Elle aime entendre plusieurs langues bourdonner autour d'elle, se passionne pour les mythologies, étudie l'informatique.
Installée en France, elle écrit ses premiers contes pour ses enfants, et ses métaphores témoignent de la richesse culturelle dans laquelle elle a vécu. Après les contes, viennent les nouvelles, romans, scénarios. Avec Silence complice, elle aborde pour la première fois le thème de l'exil et des traces qu'il laisse dans les âmes. Elle poursuit son exploration du silence au cours des ateliers qu'elle anime, notamment avec Mémoires de silences, dans le cadre du Mémorial du camp de Rivesaltes, et revient à l'exil avec Un figuier venu d'ailleurs, roman sur le thème de la Retirada (exode espagnol de 1939).
Michèle Bayar est sociétaire de la Société des Gens de Lettres, adhérente de La Charte des Auteurs et Illustrateurs pour la Jeunesse, de la Maison des Ecrivains et de la Littérature, et elle soutient l'association Lire et faire lire.

Bibliographie Non Exhaustive :
Le bocal brisé, 17 octobre 1961/ Pour une juste réparation, éd. Gare au théâtre (théâtre).
Tekouk, contes pour après l'enfance, éd. L'Harmattan, 1995 (nouvelles fantastiques).
La Giboulée d'anniversaire, éd. Milan Presse, 1995 (conte).
L'Arbre de Noël, Tipo le Volcan, éd. Milan Presse, 1996 (conte).
La querelle des saisons, l'Étoile de mer, éd. Milan Presse, 1997 (conte).
Le coureur d'étoile, éd. L'Harmattan, 1997 (roman fantastique jeunesse).
L’art du conte, cahier d’atelier, collectif, éd. L'Harmattan, 1998 (document).
Le perroquet et le crocodile, éd. Milan Presse, 1998 (conte).
La peur du loup, éd. Milan Presse, 1999 (conte).
Kama le caméléon, Sancou la petite girafe, éd. Milan Presse, 2000 (conte).

 (source : site http://www.lr2l.fr/acteur/bayar-michele-banyuls-sur-mer.html)

Interview de Michèle Bayar tsilla s univers (02)

Interview :

A quel âge avez-vous ressenti le besoin d’écrire ?
Dès que j’ai su écrire : avec un stylo en main, je refais le monde !

Quels ont été vos sources d’inspiration ?
Mon quotidien : la guerre (d’Algérie) et la paix (genevoise)

Comment conciliez-vous votre passion et votre vie de femme?
Aisément. L’une inspire l’autre parfois…

Selon vous, quelle est l’image de la femme en ce 21° siècle ?
Kaléidoscope : tout dépend de quel point de vue on se place. J’aimerais qu’elle soit en tout point du monde celle d’un individu à part entière.

Interview de Michèle Bayar tsilla s univers (03)

Partagez-vous avec vos proches ce que vous écrivez ?
Cela m’arrive, mais plutôt après avoir écrit.

Comment définiriez-vous votre style et s’est-il transformé au fil du temps ?
Je crois que j’écris avec légèreté sur des sujets graves. J’essaie d’aller vers toujours plus de simplicité. Mon dernier roman ados “Pulsion inhumaine” vient de paraître aux Editions du Chemin, en Belgique. On le trouvera bientôt en France, j’espère ( à suivre sur mon blog http://www.bayar-michele.com )
Pour écrire ce roman, je suis partie d’une fillette fragile qui est le souffre-douleur d’un camarade de classe. C’est un rapport assez courant qui évolue avec le temps. J’ai eu envie de l’exacerber et de l’amener à s’inverser mais je ne voulais pas écrire un roman moral, ni un roman psychologique. J’ai choisi le fantastique.

Quels sont les éléments de vie qui ont induit vos choix littéraires (roman, essais etc.) ?
Le choix du sujet et c’est pourquoi j’écris des contes, des nouvelles, des romans… Pour “Pulsion inhumaine” justement, je réfléchissais au sujet et, dans le même temps, je me documentais pour écrire un petit conte sur les animaux pour le magazine Wakou. Quand je suis tombée sur la description des grenouilles-taureaux, une espèce cannibale assez effrayante importée de Californie, j’ai tout de suite pensé  qu’elles seraient plus utiles pour mon roman ados que pour un conte. J’ai donc envoyé mes personnages en classe transplantée sur Belle-île-en-Mer et je les ai confrontés à des grenouilles taureaux. Il s’en est suivi ce que tous les personnages témoins dans ce roman appellent “la nuit du drame”.

Interview de Michèle Bayar tsilla s univers (04)

Quelles sont actuellement vos sources d’inspiration ?
Mon quotidien, comme toujours. Ce que je vis, ce que vivent les gens autour de moi, ce que je lis dans les journaux. J’essaie de regarder la vie chaque jour d’un œil neuf. La mienne et celle du monde qui télescope mes peurs, mes espoirs et mes émerveillements. Les rencontres avec mon jeune public m’inspirent aussi. Et toutes les rencontres que je fais me semble-t-il.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’élaboration de vos ouvrages ?
Je commence toujours par des récits très compliqués et j’épure à mesure que je réécris.

Quelle lectrice êtes-vous ?
Je lis pour mon plaisir. Il arrive qu’un ouvrage me tombe des mains. Il arrive même qu’un ouvrage me tombe des mains la première fois et soit une révélation plus tard, comme “Le monde de Sophie” que j’ai lu avec un plaisir étonnant trente ans après !

Interview de Michèle Bayar tsilla s univers (05)

Quels sont vos projets littéraires ?

En ce moment, je travaille à un roman pour adultes, une pièce de théâtre pour enfants, un conte. Les deux derniers sont des projets à quatre mains, j’aime beaucoup cette écriture plurielle qui nourrit et affine ma propre plume.

Quels sont les acteurs que vous choisiriez pour interpréter vos personnages et à qui confiriez-vous la réalisation ?
Pour “Ali Amour”, j’aimerais confier la réalisation à Michel Leclerc, Michel Gondry ou Terry Gilliam. Ils ont un univers visuel onirique qui me transporte. Et puisque je rêve, je confierai le scénario à Charlie Kauffman… le Charlie de “Dans la peau de John Malkovitch”. Côté casting… Julia Roberts que j’avais adoré dans “Tante Julia et le scribouillard” 

Quel est votre livre de chevet ?
Imparfait, libre et heureux de Christophe André (en ce moment)

Dans l’histoire de l’humanité, quels sont les personnages que vous ont marqués ?
Shéhérazade, Marie Curie, Modesta (l’héroïne de Goliarda Sapienza dans l’Art de la joie) et quelques autres, bien sûr, comme Antoine Galland, Charlie Kauffman… Lao Tsé et Bouddha !

Quels artistes vous touchent le plus?

Je crois que je suis touchée autant par les rôles que par les artistes eux-mêmes. Yolande Moreau dans le rôle de Séraphine de Senlis était très émouvante.

Quel est votre plat catalan préféré ?

La fidéua… ou la salade catalane avec des boquerones ou… écoutez, je remplis ces lignes à midi et demie et vous avez de la chance que je n’aie aucun livre de cuisine d’Eliane Comelade sous la main sinon je vous aurais fait une liste longue comme un annuaire !

Quel est votre restaurant préféré ?
J’en aime plusieurs. Aujourd’hui, je mangerai bien un couscous au Riad Mazagan à Perpignan ou bien… tiens, le temps fraîchit, vous me donnez l’envie d’un chocolat chaud, épais et parfumé.

son blog : http://www.bayar-michele.com/

Mon interview sur son blog : 

Interviews croisées - Michèle Bayar

Avec Val et Alice du site Val et Alice in Wonderland Val et Alice, vous êtes blogeuses pourquoi? On aime écrire des articles, défendre nos arguments et surtout faire partager! Es tu blageuse, Val ? Ca dépend avec qui, ça dépend quand... Si tu utilises...

http://www.bayar-michele.com

Ma nouvelle "Résurrection" publiée sur son blog : 

 

 

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23 février 2018

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle tsilla s univers (0)

Historienne et analyste de l’Art, Catherine Deloncle Saint-Ramon a précédemment publié aux éditions Alter ego « Les pionniers de l’art moderne en pays catalan » (2005), « Une érection salvatrice en gare de Perpignan »(2006), « Pierre Brune, des berges de la Seine aux collines de Céret » (2008).

Interview :

 

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle tsilla s univers (01)

A quel âge avez-vous ressenti le besoin d’écrire ?
Dans ma famille écrire est une deuxième nature.
Pour moi le passage à l’acte a commencé pendant mes études en Histoire de l’Art. l’Art dans sa totalité (littérature, musique, arts plastiques, danse, cinéma, photographie etc…) est le dernier espace de liberté


Quels ont été vos premières sources d’inspiration ?

La découverte que notre pays avait abrité des artistes majeurs du XXe siècle ; ce que je raconte dans mon premier ouvrage « Les pionniers de l’art moderne en pays catalan ».

Comment conciliez-vous votre passion et votre vie de femme ?
Mes passions sont inhérentes à ma vie de femme. La vie est un tout dont on ne peut séparés les éléments. Cuisiner ou écrire demande autant de concentration. Ma chance est de disposer du temps nécessaires à la création et d’avoir trouver l’équilibre entre ma vie familiale et toutes les activités que me demande la mise en place d’un livre.

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle tsilla s univers (02)

Selon vous, quelle est l’image de la femme en ce 21° siècle ?
Une battante formidable qui espère tout réussir ; est-ce une utopie ?

Partagez-vous avec vos proches ce que vous écrivez ?
Oui, uniquement avec ceux qui sont vraiment intéressés, bien sûr. En particulier ma fille qui est artiste photographe.

Comment définiriez-vous votre style et s’est-il transformé au fil du temps ?
En général mon style est le même, accessible à tous ceux et celles désireux  de connaître comment un génie de l’art est aussi un homme. Mais un style peut varier en fonction des thèmes abordés. Peut-on aborder l’art d’un Maillol et celui d’un Dali de la même façon ?

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle tsilla s univers (04)

Quels sont les éléments de vie qui ont induit vos choix littéraires (roman, essais etc.) ?
Jusqu’à maintenant  j’ai été inspirée  par les vies et les œuvres d’artistes qui peut-être, par empathie, ont provoqué des résonances dans ma propre vie.

Quels sont actuellement vos sources d’inspiration ?
Pour le moment ce sont les mêmes, celles qui me rattachent aux avant-gardes artistiques dans les P.O.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’élaboration de vos ouvrages ?
La mise en place des quantités d’idées qui s’accumulent. Ce qui est parfois difficile c’est la relation avec certains des artistes vivants au sujet desquels je travaille.

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle tsilla s univers (05)

Quelle lectrice êtes-vous ?
Irrégulière et de toute façons essentiellement intéressée par les ouvrages qui m’aideront à construire les miens.

Quels sont vos projets littéraires ?
En ce moment je n’ai pas de projet précis ; je « repose » ma réflexion après le travail ardu qu’a représenté mon dernier ouvrage « L’entonnoir de MA2F, image contemporaine de l’androgyne ».

Vaste sujet de réflexion qui n’est pas à l’ordre de mes préoccupations. Jusqu’à maintenant j’ai été bien déçue par les copiés-collés des biographies d’artistes, comme par exemple le calamiteux Gainsbourg de Sfarr. Vouloir absolument reproduire à l’identique les fortes  personnalités, quelles qu’elles soient, me paraît très risqué    . Le détournement est nécessaire, tel le personnage de Rembrandt dans « La ronde de nuit » de Peter Greenaway, lui-même cinéaste génial. Est-ce que Dali est imitable ?

Quel est votre livre de chevet ?
Je ne lis pas au lit ! Franchement, je lis très peu de roman, de temps en temps un japonais pour me détendre des lectures spécialisées qui sont mon quotidien

Dans l’histoire de l’humanité, quels sont les personnages que vous ont marqués ?
Il y en tant ! Comment faire un choix définitif ? Mais certainement tous ceux connus et anonymes qui vont de l’avant, irrésistiblement, quel que soit leur domaine d’actions.

Interview de Catherine St-Ramon Deloncle tsilla s univers (06)

Quels artistes vous touchent le plus ?
Toute l’histoire de l’art est ponctuée de créateurs que j’aime. Là aussi il faudrait faire un tri ; Si vous voulez des noms ce serait pour le 20 é siècle, Picasso, Rothko, Freud, Bacon…..

Quel est votre plat catalan préféré ?
Le « Mar i Mont » et tous les plats aux vins du pays qui mixent les produits de la Méditerranée et des Pyrénées, comme symboles de la diversité du pays catalan.


Quel est votre restaurant préféré ?

Pourquoi un seul ? Il y en a plusieurs, très divers. J’adore les bons repas. Nous en reparlerons j’espère.

site : http://leseditionsalterego.wordpress.com/2012/09/17/lentonnoir-de-ma2f-image-contemporaine-de-landrogyne-par-catherine-deloncle-saint-ramon/

 

8 février 2018

Présentation de Martine Pruneyrac

Martine Pruneyrac est née dans une famille d'artistes, à Toulouse en 1947. Elle a été publiée chez TDO éditions, une maison des Pyrénnées-orientales. D'abord passionnée par les théâtre, elle intègre les cours Simon, à l'âge de 15 ans. Rattrapée par son père, elle prend finalement le chemin de la faculté de médecine, pour devenir sage femme. Elle publie son premier roman en 2010.

présentation de Martine Pruneyrac tsilla s univers (02)

J'ai été sage-femme et j'ai exercé mon métier avec bonheur pendant vingt ans. J'ai cessé cette activité pour élever mes enfants.

Je suis boulimique de lecture (sauf policier et thriller). 
Je vis en montagne et ne suis bien que dans la montagne et dans le calme absolu.
L'idée de faire la cuisine me stresse à mort. 
Je chante en soprano dans un chœur régional. C'est beaucoup de travail pour une dizaine concerts chaque année en France et à l'étranger mais c'est un bonheur fou.  

Je n'ai pas décidé un beau jour d'écrire car je porte ce besoin en moi : besoin de raconter, d'inventer, d'accrocher un public et de lui transmettre une certaine idée du bonheur. De lui dire que la vie est une chose sérieuse et quelque fois amère mais qu'il nous appartient d'être heureux et de rire. C'est pourquoi mon style est à la fois léger et grave. C’est paradoxal mais c’est la réalité. J’essaie de faire passer la gravité à travers un style léger et fantasque. Je suis résolument optimiste et je crois au meilleur du cœur de l’homme. Ainsi je n’ai aucune violence en moi, je gracie tout le monde, condamne l’amour à la perpétuité et traverse la vie avec une âme intacte. L'écriture est pour moi une forme d'expression au même titre que le théâtre, mais plus secrète, plus subtile. Dans l'écriture, je me livre bien plus qu'en récitant un texte écrit par un autre. Je me livre totalement. L'amour de l'écriture et des mots, de la musique des mots, remonte à mon enfance. Durant toute ma scolarité, mes textes pouvaient être très farfelus, ils remportaient toujours un vif sucés. J'aimais étonner, amuser.  
Mes sujets favoris : Les comportements humains. J'observe énormément et chaque personne est une histoire souvent surprenante. Je suis prompte à rire des travers des gens c'est pourquoi je flirte souvent avec la dérision.

Martine P.

présentation de Martine Pruneyrac tsilla s univers (03)

 

Bibliographie : 2010 : Demain est le premier jour de ma vie. 2011 : Quelques mois pour tout changer. A paraitre en octobre 2012 :L'étrange histoire de l'enfant du wagonnet.
 
Demain est le premier jour de ma vie est un roman contemporain, résolument jeune et positif. Les thèmes présents dans ce livre sont la vie, l'amour, la mort. Mais aussi la difficulté de choisir, de repartir après un échec... Le récit est souvent drôle mais les situations peuvent aussi être dures ou graves. Dans chacun de ces cas, suit toujours le revers qui me fait dire que demain ... est le premier jour de ma vie. 
Quelques mois pour tout changer est aussi un roman contemporain qui a pour thème central la solitude, la fuite des paillettes et du bling bling, enfin la recherche de l'amour et de la pureté perdus comme on rechercherait un royaume oublié. Cela semble presque trop beau pour être vrai. Mais pourquoi pas ? Il tient à chacun de changer l'idée que l'on se fait de l'amour.
L'étrange histoire de l'enfant du wagonnet est une histoire qui se déroule dans un petit village de montagne au moment de l'occupation. On voit des scènes rocambolesques mais aussi des personnages horribles. Ceux-ci ne sont pas habités par le mal, ils sont simplement malheureux. Les personnages et leur comportements sont désopilants. On rit et on pleure, on cherche à comprendre... jusqu'au dénouement qui me fait écrire : "Tout est bien"   
En voici la quatrième de couverture : 
présentation de Martine Pruneyrac tsilla s univers (05)
1942. Rescapé de la guerre, Piero a retrouvé Flora en Ariège.
Elle ne l’a pas attendu, on lui a tellement dit qu’il était mort !
Se serait-elle mariée pour ne pas quitter ce village de montagne, certaine qu’il la rejoindrait un jour ?
Que reste-t-il de leurs projets au moment où la France est occupée ?
Arrive cette NUIT de tous les drames. Piero, meurtri, va fuir.
Il se passe alors de drôles de choses dans ce village !
La guerre est cruelle mais il lui arrive parfois de procurer des surprises autant heureuses que bénéfiques.
Le retour de Piero, en septembre 1948, va déranger. Il veut connaître la vérité. 
Au-delà de l’horreur, comment trouvera-t-il enfin la paix ?

Une histoire  pittoresque, des faits pris sur le vif et des Ariégeois authentiques

30 janvier 2018

Interview de Virginie Chopin pour brevesdefemmes.info

Virginie Chopin est une actrice et tragédienne, elle habite actuellement dans le Languedoc Roussillon. Elle a notamment participé à l'aventure de l'Echec de la Reine, une pièce créée par Christian Hernandez, du théâtre du Greko. Portrait d'une artiste pas comme les autres.

Virginie chopin tsilla s univers (01)

Je n’ai jamais ressenti le besoin de jouer des rôles. Par contre j’ai toujours eu envie de jouer, je  pense depuis que je sais marcher. Alors je dirais que je joue depuis mes 14 mois.

Mon parcours est assez classique. Je suis venue à Paris après le bac pour faire des études de biochimie, mon père ne voulant pas financer celles de théâtre car jouer la comédie n’est pas un métier. Je prends donc le chemin de la fac de sciences, Jussieu pour être précise pour devenir chercheur. En licence, je craque et passe une audition au Cours Simon et suis acceptée comme élève en janvier 1986. J’en sors en juin 1989.Les principales difficultés rencontrées quand on est comédienne sont financières. Le plaisir de jouer se rémunère très mal ….

Virginie chopin tsilla s univers (02)

La vie de famille peut être houleuse, travailler un rôle prend du temps physique mais aussi du temps mental, on pense souvent ailleurs. Ca ne plait pas toujours. Toutes ces difficultés m’ont prise de court pendant 15 ans, c’est le temps qu’il m’a fallu pour divorcer, élever 4 enfants, me remarier et donc m’éloigner du théâtre car ce n’était pas le propos. Mais l’envie de jouer ne se tait pas indéfiniment et en mars 2010 j’ai crée ma propre compagnie DéZir et DéZar sur Perpignan.

Ma première vraie source d’inspiration a été l’idiot de Dostoievski. Le personnage du prince Michkine a été une formidable découverte : intelligent, sensible, doux, émotif….Rôle énorme parce que entier et tout en nuance. C’est donc vers les auteurs russes que je me suis tournée en premier lieu, lisant les romans, les adaptations théâtrales, les pièces, les nouvelles. Tchekov, Gogol, Tolstoi, Dostoievski, Pouchkine….Et puis bien sûr, le théâtre classique français avec Racine en tête mais sans oublier les autres. Et puis une femme Colette qui est peut-être le seul écrivain dont j’ai eu envie de connaître la vie, la seule dont j’ai, en plus des œuvres complètes, la biographie.

Mes sources d’inspiration n’ont pas vraiment changé. Ces auteurs sont toujours des personnes vers lesquelles je me tourne très régulièrement, j’en feuillette quelques pages ou en relis le texte complet presque chaque jour. Une belle rencontre, plus récente, Henri Bauchau, dont l’écriture me ravit à chaque livre et dont je pense monter quelque chose bientôt.

Virginie chopin tsilla s univers (03)Quitter Paris m’a permis de revenir au théâtre, les rencontres sont plus simples, le temps respire plus doucement. J’ai pu m’arrêter pour regarder et m’apercevoir que l’envie de jouer était toujours là et que je pouvais de nouveau la laisser s’exprimer. Mais c’est parce que j’ai vieilli, grandi à travers mes proches que mon jeu et ma passion du jeu sont plus simples aujourd’hui.

J’aurais aimé jouer au théâtre d’Epidaure, en Grèce quelque soit la pièce mais de préférence un classique, Sophocle, Eschyle ou Aristophane. Le lieu est extraordinaire, le son merveilleux et c’est un vrai lieu consacré au théâtre. Pour l’instant c’est un rêve mais sait-on jamais ?

Les acteurs que j’aime sont nombreux. Emma Thomson, Dominique Blanc, Ludmilla Mikael, Scarlett Johansson, Kate Winslet, Valeria Golino, Jodie Foster, Meryl Steep …Al Pacino, Clint Eastwood, Morgan Freeman, Johnny Depp, Anthony Hopkins, Jean Rochefort… et tant d’autres.

Virginie chopin tsilla s univers (04)Les pièces que j’ai jouées sont très différentes. Adaptées d’auteurs chinois comme Lu Xun ou allemands comme Stefan Zweig ou Fontane, écrites pour le bicentenaire de la Révolution française, tirées du répertoire classique comme Marivaux. Les pièces qu’on joue quand on est jeune sont celles qu’on vous propose et que vous acceptez ou pas. Une pièce c’est une équipe ce n’est pas seulement un texte. On apprécie le texte ou le metteur en scène ou les autres comédiens. C’est génial quand les trois sont réunis.

Je n’ai pas toujours concilié ma passion et ma vie de femme donc je ne sais pas comment on fait sur le long terme. Je mets toujours en veilleuse l’un ou l’autre. Je n’arrive pas à répéter 8 heures par jour en faisant le ménage, les courses, le repassage, en allant chez le coiffeur, en faisant à manger, en sortant…..Je ne concilie pas, je mets un pied devant l’autre et avance pas à pas, en gérant les priorités. Mais comme toute femme qui travaille et qui a une famille, j’ai appris à slalomer. Et aussi à être sourde ou pas là.

Virginie chopin tsilla s univers (05)

Des moments d’intense bonheur, j’en ai tous les jours. On pourrait croire que je me contente de peu mais ce n’est pas le cas. J’aime profondément la vie et je crois que ça vient de là. Le rire fait partie de ces moments là.

Pour les projets il y a : Jouer la comédie, mettre en scène, transmettre ce que je sais du théâtre et former des comédiens. Continuer à avoir envie, à ne pas me soumettre, à me révolter, à ne pas me taire.

J’évite les personnes qui me sont hostiles et ne prendre en compte que celles qui m’apprécient.

Pour le futur proche, jouer Savannah Bay de Duras jeudi prochain, continuer à travailler avec Le théâtre du Gecko le rôle de la Reine dans Échec à la reine d’Andrée Chedid, mettre en répétition  » Le petit violon  » de Grumberg….

Maintenir en même temps une équipe d’enquêteurs sur Perpignan, ça c’est pour l’alimentaire  et pour garder l’intermittence.
Et puis peut-être quelques jours de vacances en famille pour aérer tout cela.

Dans l’histoire de l’humanité, beaucoup de personnages m’ont choquée plus que marquée.

Tous les hommes de pouvoir sont cruels et imbus d’eux même : des rois aux papes, des dictateurs aux intégristes….ils sont choquants. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une personne exceptionnelle pour l’humanité qui le soit aussi dans le quotidien alors je ne sais pas qui choisir. Nelson Mandela peut-être, l’abbé Pierre et Modigliani.

La femme, cet animal étrange n’a jamais eu autant de pouvoir de décision qu’en ce 21ème siècle. Pourtant je ne suis pas sûre que ça lui convienne tant que ça. La société actuelle est très individualiste et égoiste, la femme l’est aussi. Pourtant au milieu de cette société kleenex, portable et ascenseur pour le sous-sol, des petites bulles de solidarité, d’échanges, de dépannage, souvent à l’initiative de femmes se développent. Alors …

Mais ce qui est bien c’est le mélange, il faut donc des couleurs, des âges, et des sexes différents pour que ce soit vivant.

Restons sérieux, continuons à jouer.

 

26 janvier 2017

Critique de Trois gouttes de sang grenat d'Hélène Legrais

Critique Trois gouttes de sang grenat Tsilla's univers tsilla66

Présentation du Livre

Résumé : Auguste Laborde hérite de la boutique de joaillerie de son père mort prématurément. Marié contre son gré par sa mère à une femme qui l’indiffère, il se réfugie dans son unique passion, l’orfèvrerie, et en particulier le travail du grenat, spécialité de la ville de Perpignan. Sa vie prend un tour inattendu quand il découvre qu’une porte séparant son atelier de l’immeuble voisin donne sur les salons d’une maison close. Par une fente entre les lattes de bois, il dispose d’un point de vue imprenable sur l’activité de l’établissement… Jusqu’au jour où il assiste, impuissant, au meurtre d’une pensionnaire. L’enquête de la police restant au point mort, Auguste décide de partir lui-même à la recherche de l’assassin. Il n’a pu voir son visage, seulement ses mains et ses poignets. D’indice en indice, ses investigations l’entraînent dans les cercles les plus huppés de la capitale roussillonnaise…

Editions : Calmann-Levy

Parution : octobre 2016

Critique :

Le probleme de cette chronique, c'est que je ne peux rien vous devoiler. Voilà la raison pour laquelle jai tardé à l'écrire. Comment vous convaincre de lire ce petit bijou en vous disant l'essentiel sans trop en dire ? Je vais tenter cet exercice perilleux.

Dores et déjà je vous lannonce : Fifty Shade of Grey -référence actuelle du livre de fesses auquel est souvent comparé celui d'Hélène Legrais- peut aller se rhabiller ! Trois gouttes de sang grenat est un thriller psychologique déroutant où se mêlent sensualité, érotisme et meurtres. L'aspect voyeuriste des scènes érotiques est très intéressant, non seulement pour l'intrigue, mais aussi pour enrichir les descriptions. En effet, la différence entre le porno pur et dur -si vous me permettez cette boutade- et l'érotisme se trouve dans la capacité d'un auteur à suggérer plus qu'à montrer.  La suggestion est un Art dans lequel Hélène Legrais s'illustre particulièrement : la psychologie étayée des personnages principaux n'en ressort que mieux. Le tout est bercé par une écriture tout en nuances. L'on pourrait par exemple s'attendre à ce que notre héros, Auguste Laborde, orfèvre introverti, s'adonne avec passion à contempler les filles de joie. Il n'en n'est rien, au début du moins, car le jeune homme ayant été confronté à un traumatisme sévère, se montre nullement intéressé. Hélène Legrais évoque beaucoup de délicatesse un sujet tabou qui concerne les hommes et leur virilité. Elle nous rappelle que les Hommes, comme les Femmes, qui ne sont pas conformes aux attentes de la Société, sont confrontés au regard glaçant et pesant de ces personnes qui savent mieux que vous-mêmes ce que vous devez être et qui vous devez être. Elle dénonce avec brio les abus dont les Hommes et les Femmes de cette époque étaient victimes, et qui, malheureusement, persistent toujours aujourd'hui. Mieux, Hélène Legrais a osé aborder les rapports ambigus que pouvaient entretenir certains praticants d'une religion à leur propre sexualité, en ces temps reculés où internet n'existait pas encore.

En plus d'aborder des questions sociétales fondamentales, elle a construit ses personnages avec une grande précision. J'ai été particulièrement touchée par le personnage de Valentine. Selon moi, c'est le meilleur de ce roman. J'aurais d'ailleurs bien aimé savoir ce qu'il adviendrait d'elle.

Toutefois, je n'ai cette fois-ci que peu apprécié la fin. J'avais en effet déjà compris qui était le tueur, alors que je n'étais pas parvenu à la moitié du récit. J'ai par ailleurs adoré son mode opératoire très astucieux. Malgré le fait que l'effet de surpise n'ait pas pu prendre sur ce point, les dernières lignes m'ont étonnée.

Au cours de chapitre final, un des personnages critique ouvertement la laïcité, en tant que chrétien. Selon lui, la laïcité tue sa religion. Je n'ai pas vraiment apprécié cette tirade sur la laïcité, car je n'accroche plus à ce genre de discours. Pour tout vous dire, mon métier (je suis enseignante) exige de moi que je sois un exemple de ce concept qui se fait régulièrement violer par les différentes interprétations politiques et légales qui en sont faites. Je tiens à souligner que c'est mon rapport intime et personnel avec la laïcité qui est en cause, et non l'écriture de l'auteur. Du coup, je n'aime pas être confrontée malgré moi à ce genre de polémique. D'ailleurs l'auteur elle-même n'adhère pas aux propos de son personnage : au contraire. Ce discours marque l'apothéose de son embrigadement idéologique.

Ceci dit, j'ai bien apprécié que celui-ci soit prononcé par le personnage le plus paradoxal de cette histoire, lequel affirme haut et fort que la laïcité tue sa religion, alors qu'il est lui-même incapable de la pratiquer selon ses principes fondamentaux. J'y vois surtout une critique de ces personnes hypocrites, ces croyants qui emploient leur religion pour justifier tout un tas d'interdictions ou d'obligations qui les arrangent sans prendre la peine de mettre en applications celles qui ne les arrangent guère. Ces personnes voulant à tout prix sauvagarder l'ordre moral établi, afin de ne pas bouleverser leurs habitudes. Le genre d'hypocrites que, finalement, vous croiserez n'importe où : médecins, fonctionnaires, politques, boulanger, etc. Ceux qui veulent que rien ne change, car leur immobilisme est plus confortable que l'éthique. Le livre se conclut de façon inattendu, après ces échanges forts et virulents. A travers ce final, l'auteur critique ouvertement les agissements de ces moralisateurs-trices qui sont prêt-e-s à tout pour réduire la vérité au silence. Un plaidoyer criant de vérité sur le fond, bien que sa forme ne m'ait pas émue davantage pour les raisons très personnelles que je vous ai citées ci-dessus.

En résumé, c'est un excellent livre que je vous conseille.

 

10 janvier 2017

La nourriture dans le Ventre de Paris, d'Emile Zola

 

La nourriture dans le ventre de Paris Emile Zola-tsilla's univers-tsilla66Dans la préface de la collection "Le livre de poche" (classiques de poche), Robert Abirached soutient que : "L'idée neuve qui a soulevé l'Europe, de la Restauration à la troisième République, ce n'est sûrement pas le bonheur : c'est l'appétit".1 A cette période émerge une nouvelle idéologie d'abord biologique, puis économique : le Darwinisme. Si Darwin lui-même n'a jamais cautionné cette doctrine, elle n'en reste pas moins innovante et marquée par l'animalité. En effet, elle ne préconise plus seulement que l'Homme soit un loup pour l'Homme, elle émet aussi l'hypothèse que le plus fort est celui qui dévore le plus faible. La société devient dès lors une chaîne alimentaire au sommet de laquelle règnent les bourgeois, dont les appétits sont gargantuesques.

Robert Abirached déclare que les intentions de Zola étaient de : "décrire les Halles de Paris dont les premiers pavillons avaient été inaugurés en 1857, et d'installer dans ce cadre moderne inédit en littérature un sujet typique du second Empire : le retour d'un proscrit [Florent, ancien bagnard], parmi les siens [Quenu, son demi-frère et sa femme Lisa] jusqu'à sa dénonciation et son arrestation finales. Voilà bien de "l'histoire naturelle et sociale" conforme au dessein déclaré de l'auteur, mais que se passe-t-il en fait? [...] les Halles deviennent un lieu mythique, où la civilisation bourgeoise se traduit et s'incarne tout entière; le devenir du monde se projette dans la lutte éternelle des Maigres et des Gras, tandis que les destinées individuelles de Florent, Lisa, de Gavard, de tous les habitants de ce quartier de Paris, se composent dans une geste plus vaste : Zola écrira le roman de l'Appétit, l'épopée du Ventre-Roi."2

D'ailleurs, Zola nous livre, avec le Ventre de Paris , un tableau social dont la toile de fond n’est autre que les histoires de la vie quotidienne. Effectivement, Zola est l’un des premiers romanciers à faire entrer dans la composition de son roman les êtres et les faits ordinaires, les querelles insignifiantes des poissonnières et des charcutières. Le drame individuel devient dès lors l'expression du drame historique. Le tout est dessiné avec précision, et un microcosme en effervescence se dévoile peu à peu sous sa plume. Le romancier se fait observateur et metteur en scène de cette vie qui grouille et pullule sous les Halles, comme il l'affirme dans la préface des Rougon-Macquart, en 1871 : "Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d'un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j'aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l'œuvre comme acteur d'une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j'analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l'ensemble."

Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d'étudier a pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d'une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils s'irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le second empire à l'aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d'état à la trahison de Sedan.

Pourtant, son roman ne plaît pas aux académiciens et aux aristocrates. Selon eux, seul Rabelais était digne de poétiser des festins, de donner corps aux excès alimentaires et aux appétits de géant de ses personnages. Ils perçoivent les Réalistes comme des vermines, « La Charogne » de Baudelaire choque, le Ventre de Paris écœure.

D’ailleurs, Jules Barbey d’Aurevilly écrivait dans Le Constitutionnel (le 14 juillet 1873), à propos du Ventre de Paris que : « Telle est la signification de son livre : faire de l’Art en faisant du boudin ! ». Il s’agit précisément de l’objectif de Zola, représenter les Halles comme un ventre, en disséquer le fonctionnement et le mécanisme de ses industries, qui en sont le « système intestinal ». Ce critique (qui était aussi romancier) ajoutait que : « l’art de l’avenir, industriel et athée » a été : « imaginé par les pouilleux du temps actuel ! Il y a ce somptueux amour du vulgaire et du bas qui distingue ces Sans-culottes du Réalisme, en Révolution contre tout ce qui n’est pas vulgaire et bas comme eux. »3

Zola s’est présenté vingt fois à l’académie française et a été refusé vingt fois. Pourtant, le Ventre de Paris est aujourd'hui une œuvre majeure de la Littérature française, une littérature à la fois savante et savoureuse, où se mêlent saveurs et savoirs.

Au menu de cet article, nous nous demanderons dans quelle mesure la métaphore alimentaire exprime la vision du monde qu'a l'auteur.

En entrée, nous analyserons les savoirs scientifiques qui découlent du Ventre de Paris, puis nous prendrons en plat principal le temps de décortiquer le savoir-faire artistique de l'auteur, avant de goûter au dessert : une critique virulente d'une société en manque de savoir-vivre et de savoir-être.


I) Ventre de Paris désossé sur son lit d'explications historiques

Comme il le dit dans L’œuvre, Claude, un ami de Florent aime peindre des ventres : "Le ventre, moi, ça m'a toujours exalté. Je ne puis en voir un, sans vouloir manger le monde. c'est si beau à peindre, un vrai soleil de chaire". Par ailleurs, le ventre est le poumon de ce roman.

A) Les Halles, un ventre de métal et de fer

 

La nourriture dans le ventre de Paris Emile Zola-tsilla's univers-tsilla66Au XIXème siècle, le paysage urbain français se modifie profondément : des constructions s’érigent de part et d’autres dans Paris, la ville se transfigure sous Haussmann. A l’origine, les Halles étaient un forum, à la fois culturel et commercial, un marché couvert, sous les toitures de divers pavillons en verre, en bois et en métal. Ce fut le premier édife pour lequel ces matériaux furent utilisés.4  Les Halles furent imaginées par Victor Baltard et construites entre 1854 et 1870, soit seize années de travaux. Le ventre de Paris a été édifié au cœur même de la Capitale. En 1971, les pavillons furent détruits suite à un projet de réhabilitation et le quartier des Halles fut bâti et réorganisé tel qu’il l’est aujourd’hui. Le marché fut quant à lui déporté à Rungis.5

Les Halles furent longtemps l'un des seuls lieu d'approvisionnement en aliments de la Capitale, malgré l'instauration d'autres marchés couverts à Saint-Martin.6 Les Halles débordaient de nourriture. Chaque pavillon construit par Baltard abritait ses propres denrées : produits de la mer, fruits et légumes, etc.

Pourtant, les Halles ne sont pas à taille humaine d'après Charlotte Cabot.7 En effet, les Halles sont une sorte de corne d'abondance qui abreuvent les commerçants, tandis que sur leurs parvis, des hommes meurent de faim, comme Florent, le personnage principal de l'histoire, ou Claude (peintre et ami de Florent). Le progrès agricole et scientifique a permis cette opulence. Paradoxalement, celle-ci semble assécher le cœur de ceux qui en bénéficient : (extrait du chapitre 5) : "C’était une cacophonie de souffles infects, depuis les lourdeurs molles des pâtes cuites, du gruyère et du hollande, jusqu’aux pointes alcalines de l’olivet. Il y avait des ronflements sourds du cantal, du chester, des fromages de chèvre, pareils à un chant large de basse, sur lesquels se détachaient, en notes piquées, les petites fumées brusques des neufchâtels, des troyes et des mont-d’or. Puis les odeurs s’effaraient, roulaient les unes sur les autres, s’épaississaient des bouffées du Port-Salut, du limbourg, du géromé, du marolles, du livarot, du pont-l’évêque, peu à peu confondues, épanouies en une seule explosion de puanteurs. Cela s’épandait, se soutenait, au milieu du vibrement général, n’ayant plus de parfums distincts, d’un vertige continu de nausée et d’une force terrible d’asphyxie. Cependant, il semblait que c’étaient les paroles mauvaises de madame Lecœur et de mademoiselle Saget qui puaient si fort."

 

La nourriture dans le ventre de Paris Emile Zola-tsilla's univers-tsilla66Zola met en évidence au travers de cette description que ce ne sont pas uniquement les cœurs de meule qui pourrissent, ce sont aussi les cœurs de ses personnages. Les étalages sont submergés de fromages qui empuantissent moins l'atmosphère que les paroles vaines et infectes des deux femmes.

Abirached dit à ce sujet qu': "A chaque fois la description prolifère jusqu'à produire une impression d'écrasement et de saturation, [...] C'est une explosion continue, comme une mer qui monte et qui emporte tout sur son passage".8 Les descriptions sont "pentagruéliques".

L’hyperbole, l'accumulation et la personnification sont des procédés récurrents dans le Ventre de Paris qui dénoncent à la fois l'excès des denrées alimentaires et la vacuité des personnages. Par exemple, si Lisa la charcutière est grasse, cependant, sa compassion est maigre. Il s'agit d'un paradoxe. Celui-ci pourrait être le résultat d'une politique et d'une Histoire : celle du Second Empire.

B) Les Halles, Un système intestinal

Selon Charlotte Cabot : « Dans ce livre, les aliments traduisent la réalité des rapports sociaux. Soit l'on mange, soit l'on est mangé »

En fait, le thème de la nourriture est employé à l'envers, les Halles ne nourrissent pas, elles dévorent5. Au travers des Halles l'image d'une révolte se profile : celle de Florent. Il proclame celle-ci au chapitre 2 : « Je me suis juré de ne rien accepter de l’Empire » Catherine Gautschi-Lanz dans Le roman à table, nourriture et repas imaginaire dans le roman français 1850-1900 dit que Zola ouvre l'espace de l'intimité familiale au lecteur et jette ainsi la lumière sur la petite histoire. Ainsi, en écrivant, l'auteur projette-t-il aussi l'éclairage sur la grande, car les récits anecdotiques des personnages, comme ceux de Florent, sont le reflet d'une vie politique. En outre, les Halles, de part leur architecture, floutent les lignes de la vie intérieure et extérieure, celle de la vie privée et de la vie publique6.

En effet, l'intrigue qui semblerait anodine dessert finalement une critique de l'Empire. La révolte de Florent traduit peut-être celle de Zola. Il l'exprime et l'exploite dans les descriptions des fromages, ou de la charcuterie. Par exemple, au chapitre 2, Florent narre à Pauline, la fille de son demi-frère, son histoire. Florent est un ancien bagnard, arrêté à cause de ses envies révolutionnaires. Pauline, intriguée par ce personnage, lui demande de raconter l'histoire de l'homme "mangé par les bêtes". Celle-ci est rythmée par la préparation du boudin faite par Quenu, qui ne l'écoute pas. Comme dans la scène des commis agricoles de Madame Bovary, les dialogues de Florent sont entrecoupés des paroles de Quenu. Si l'effet est comique dans Madame Bovary, il est tragique dans le ventre de Paris, voire ironique et proleptique, puisque Lisa, la belle-sœur de Florent, le dénoncera à la préfecture. En fouillant dans sa chambre sur les conseils d'un prêtre, elle trouvera des plans de la rébellion organisée par son beau frère. Florent sera alors perçu comme une menace : « elle vit ces hommes, […] voler les saucisses et les andouilles de l’étalage. » (chapitre 5), qui lui volerait non pas son argent, mais sa nourriture. Il s'agit d'une métaphore : Florent menace ses appétits physiques, mais aussi sociaux et économiques. Florent sera donc dévoré, broyé comme un boudin, car sa révolte est indigeste. Il est étiqueté tel un déchet et sera excrété de ce système digestif. Il est même comparé implicitement à un virus qui amaigrissait le ventre de Paris, dans les dernières lignes du roman : "Alors, Claude leur montra le poing. Il était exaspéré par cette fête du pavé et du ciel. Il injuriait les Gras, il disait que les Gras avaient vaincu. Autour de lui, il ne voyait plus que des Gras, s'arrondissant, crevant de santé, saluant un nouveau jour de belle digestion. Comme il s'arrêtait en face de la rue Pirouette, le spectacle qu'il eut à sa droite et à sa gauche lui porta le dernier coup. [...] A sa gauche, la belle Lisa, au seuil de la charcuterie, tenait toute la largeur de la porte. Jamais son linge n'avait eu une telle blancheur; jamais sa chair reposée, sa face rose, ne s'était encadrée dans des bandeaux mieux lissés. Elle montrait un grand calme repu, une tranquillité énorme, que rien ne troublait, pas même un sourire. C'était l'apaisement absolu, une félicité complète, sans secousse, sans vie, baignant dans l'air chaud. Son corsage tendu digérait encore le bonheur de la veille; ses mains potelées, perdues dans le tablier, ne se tendaient même pas pour prendre le bonheur de la journée, certaines qu'il viendrait à elles. Et, à côté, l'étalage avait une félicité pareille; il était guéri, les langues fourrées s'allongeaient plus rouges et plus saines, les jambonneaux reprenaient leurs bonnes figures jaunes, les guirlandes de saucisses n'avaient plus cet air désespéré qui navrait Quenu. Un gros rire sonnait au fond, dans la cuisine, accompagné d'un tintamarre réjouissant de casseroles. La charcuterie suait de nouveau la santé, une santé grasse. Les bandes de lard entrevues, les moitiés de cochon pendues contre les marbres, mettaient là des rondeurs de ventre, tout un triomphe du ventre, tandis que Lisa, immobile, avec sa carrure digne, donnait aux Halles le bonjour matinal, de ses grands yeux de forte mangeuse. [...]"

Ce combat mythique de Quenu contre Florent renvoie, selon Robert Abirached, au combat d'Abel contre Caïn : "Ainsi, l'histoire [...] finit-elle par prendre l'ampleur d'un mythe politique". Catherine Gautschi-Lanz souligne qu'il s'agit, dans le ventre de Paris, d'un "conflit politique entre les Gras et les Maigres." Elle ajoute que : "En lui conférant des traits mythiques [...] Zola passe de la réalité du symbole pour obtenir un effet dramatique". Le ventre de Paris est un :"réceptacle de déchets ménagers et d'ordure langagières"

3-L'ascèse des Gras et la chute des Maigres

Finalement un autre combat s'incarne dans ce duo mythique : celui de la Matière et de l'Esprit. En effet, les paroles de la petite Pauline : "l'histoire de l'homme mangé par les bêtes" pourraient être comprises à double sens. Les "bêtes" sont un terme polysémique, caractérisant à la fois la « Partie animale dans l'homme, celle des instincts et de la sensualité, que les philosophes opposent traditionnellement à la partie spirituelle, à l'âme. » et un « Être sot, inintelligent »1. Florent est un intellectuel, qui a fait des études de droit dans le but d'être professeurs, tandis que Quenu n'a pas fait d'études. Quenu ne sait pas lire, et c'est là l'ironie du sort : le charcutier est aussi une andouille. Entre les deux frères, le parallélisme antithétique est notable : Florent, qui possède un intellect sustenté par l'éducation (à l'intelligence cérébrale s'ajoute celle du cœur) sera celui qui sera descendu dans cette société, tandis que Quenu dont l'intellect est dicté par des instincts primitifs (ceux du bas corporel et plus précisément ceux du ventre) sera élevé comme un modèle social. Il y a d'emblée une opposition entre "l'homme" et les "bêtes".

Au XIXème siècle, l'éducation devient obligatoire (1861) et accessible aux filles (Loi Duruy, 1867). En parallèle, le travail infantile est réglementé (loi du 22 mars 1841). De plus, le Positivisme, nouveau courant de pensée, dont le chef de file est Auguste Comte, a amené l'ère scientifique. On essaye de comprendre et connaître le corps, son fonctionnement, ses mécanismes.

Une nouvelle méthode médicinale fait son apparition, celle de Claude Bernard (Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865). Claude Bernard définit l'expérience comme étant « au fond qu'une observation provoquée ». Dans son œuvre, il explique qu' il faudrait saisir la forme de la vérité scientifique, c'est-à-dire la loi, et chercher le lien entre les phénomènes (appelé le déterminisme absolu). Le but même du positivisme est d'expliquer le monde par des lois, en trouver le déterminisme1. Ce n'est pas en expliquer les causes (objet de métaphysique), mais bien l'origine. Zola a lu Claude Bernard, et, en remplaçant le mot "médecin" par le mot "auteur", on peut retracer l'un des projets du romancier : étudier l'Homme sous toutes ses facettes. Emile Zola, dans une lettre à adressée à Jules Lemaître le 14 mars 1885, soutenait que : "Vous mettez l'Homme dans le cerveau, je le mets dans tous les organes." Dans ce roman-ci il analyse la place et le rôle du système digestif, et la façon dont celui-ci gomme le cœur dans l'organisme des personnages lorsqu'il dvient prépondérant. Zola a aussi étudié Taine et Lavater. Victor Frédéric Alexandre Ysabeau, dans Lavater et Gall : Physiognomonie et phrénologie rendues intelligibles pour tout le monde; exposé du sens moral, des traits de la physionomie humaine et de la signification des protubérances de la surface du crâne relativement aux facultés et aux qualités de l'homme, affirme que :"La physiognomonie, dans le sens le plus large de cette expression, est l'étude de l'Homme intérieur et moral, par l'observation de l'Homme extérieur et physique. [...] C'est le résumé de sa vie intellectuelle et morale et sa vie physique. Tout cela se résume en signes extérieurs et physiques dont chacun à un sens; c'est, dit Lavater, le spectacle le plus digne d'être vu, de même que l'Homme est le spectateur le plus digne de le voir" Etudier Lavater, c'est étudier les deux natures humaines : l'une animale, et l'autre, celle qui lui est supérieure : la vie intellectuelle. Ces savoirs sont retranscrits dans le Ventre de Paris, sous forme poétique et romancée. Quenu est un Gras, Florent un Maigre. L'antagonisme de la matière et de la spiritualité s'incarne dans l'opposition des Gras et des Maigres : cet aspect morphologique est effectivement révélateur de la psychologie des personnages, de leur place et de leur rôle dans la société. Quenu est bien incorporé à cette société qui rend un culte à la Matière, tandis que Florent s'y oppose et en est exclu. Dans le Ventre de Paris, les Halles apparaissent comme "la représentation métonymique de l'Empire lui-même"1, et la petite bourgeoisie est vivement décriée, car la matière prévaut sur l'intellect.

Catherine Gautschi-Lanz y voit un tableau de la bourgeoisie dressé "au vitriol", lequel est brossé avec une précision sociologique. La science sociale était, par ailleurs, nouvelle et inventée par Comte lui-même, elle figurait au haut du panier du positivisme. Dans le Ventre de Paris découlent le savoir, un savoir scientifique, une analyse historique fine d'une période : celle du second Empire. La nourriture est un média de dénonciation politique, mais aussi un média d'affirmation d'une esthétique moderne.

II-Filet d'esthétique du roman naturaliste à la sauce moderne, saupoudré d'impressionisme

Zola commence sa carrière comme critique d'Art. Il soutenait, lors de la rédaction du Ventre de Paris, les peintres impressionnistes. Le Ventre de Paris ne sert pas seulement à dénoncer, il sert aussi à affirmer une esthétique moderne. L': "On peut considérer Le Ventre de Paris comme une sorte de manifeste d'Art moderne. Un manifeste où la nourriture occupe une place de choix : en élevant celle-ci au niveau du spectacle esthétique, Zola l'arrache au silence dédaigneux par lequel la littérature l'a pendant trop longtemps censurée" d'après Catherine Gautschi-Lanz.

1-Une esthétique du paradoxe

Le réalisme et le naturalisme ne sont pas absents des Halles de Paris : ils se retrouvent dans les descriptions de la vie quotidienne des personnages, mais aussi dans le vocabulaire ou l'utilisation de sociolectes (parler propre à un groupe social). Pourtant, de nombreuses descriptions sont plus poétiques que réalistes. Il s'agit d'ekphrasis (répresentation dans l'écriture d'une oeuvre d'Art comme un tableau, ou, écriture qui reprend les procédés d'autres arts comme la peinture) : Zola écrivait comme il aurait aimé peindre.

Les Halles, par exemple, sont esquissées telle une œuvre d'Art, comme le montre cet extrait du chapitre 1 : "Il [Florent] leva une dernière fois les yeux, il regarda les Halles. Elles flambaient dans le soleil. Un grand rayon entrait par le bout de la rue couverte, au fond, trouant la masse des pavillons d’un portique de lumière ; et, battant la nappe des toitures, une pluie ardente tombait. L’énorme charpente de fonte se noyait, bleuissait, n’était plus qu’un profil sombre sur les flammes d’incendie du levant. En haut, une vitre s’allumait, une goutte de clarté roulait jusqu’aux gouttières, le long de la pente des larges plaques de zinc. Ce fut alors une cité tumultueuse dans une poussière d’or volante." et celui-ci du chapitre 3 : "Il se plaisait aussi, le soir, aux beaux couchers de soleil qui découpaient en noir les fines dentelles des Halles, sur les lueurs rouges du ciel; la lumière de cinq heures, la poussière volante des derniers rayons, entrait par toutes les baies, par toutes les raies des persiennes; c'était comme un transparent lumineux et dépoli, où se dessinaient les arêtes minces des piliers, les courbes élégantes des charpentes, les figures géométriques des toitures. Il s'emplissait les yeux de cette immense épure lavée à l'encre de Chine sur un vélin phosphorescent, reprenant son rêve de quelque machine colossale, avec ses roues, ses leviers, ses balanciers, entrevue dans la pourpre sombre du charbon flambant sous la chaudière. A chaque heure, les jeux de lumière changeaient ainsi les profils des Halles, depuis les bleuissements du matin et les ombres noires de midi, jusqu'à l'incendie du soleil couchant, s'éteignant dans la cendre grise du crépuscule. "

La lumière devient à la fois un feu puissant, au travers d'une métaphore filée et de l'isotopie (répétition d'un sens de mots en mots, exemple : levé et source : isotopie du commencement) du feu, et une pluie dorée dans laquelle se noie le pavillon. Il ne s'agissait pas de donner une réalité à la lumière, mais de la poétiser, la rendre plastique à travers des images antithétiques. L'esthétique du Ventre de Paris est imprégnée de ces alliances des contraires : les Halles sont, par exemple, un ventre de fer, mais aussi une œuvre d'Art moderne. L'esthétique du paradoxe dans ce livre appuie l'opposition entre les Gras et les Maigres et rythme des compositions qui sont innovantes, comme : " Le pavé était devenu gras, bien que le temps fût sec" (chapitre 1).

Ces descriptions sont d'autant plus modernes qu'elles sont saupoudrées d’impressionnisme.

2-Une peinture romancée

Jouer avec le clair-obscure et les effets chromatiques est le savoir-faire d'un peintre. Zola s'empare de cet Art et rend ses compositions plastiques, presque irréelles. Il s'inscrit dans un courant alors déconsidéré : l’Impressionnisme.

En effet, la peinture académique est exposée dans les salons officiels (et plus particulièrement le Salon de Paris), alors que les peintures impressionnistes sont exposées dans des salons officieux : le salon des refusés (dont celui de 1874). L’Impressionnisme est un terme péjoratif utilisé par le journaliste Louis Leroy dans la revue Charivari pour évoquer le tableau de Monet "Impression soleil levant"11. Ces peintres et leurs prédécesseurs, qui leur avaient ouvert la voie, mettent en lumière des sujets du quotidiens : meules de foin, gare, marchés, déjeuner sur l'herbe avec des prostituées...Les sujets ne sont ni historiques, ni mythologiques : ces peintres firent entrer dans l'Art de vulgaires objets et des objets vulgaires. De plus, la technique est renouvelée : les touches de couleurs et les jeux de contrastes permettent de créer un dynamisme et du mouvement.

Zola ne voulait pas seulement soutenir les impressionnistes dans son roman, il voulait les copier : "Je n'ai pas seulement soutenu les impressionnistes, je les ai traduits en littérature par touches, notes, colorations, par la palette de mes descriptions"12, voire de les dépasser. Il y a une concurrence certaine entre la plume de Zola et les pinceaux des impressionnistes. Il n'y a pas d'ekphrasis dans l’œuvre de Zola, mais certaines descriptions y ressemblent, comme celle-ci, extraite du chapitre 1 :

"Mais Claude était monté debout sur le banc, d’enthousiasme. Il força son compagnon à admirer le jour se levant sur les légumes. C’était une mer. Elle s’étendait de la pointe Saint-Eustache à la rue des Halles, entre les deux groupes de pavillons. Et, aux deux bouts, dans les deux carrefours, le flot grandissait encore, les légumes submergeaient les pavés. Le jour se levait lentement, d’un gris très-doux, lavant toutes choses d’une teinte claire d’aquarelle. Ces tas moutonnants comme des flots pressés, ce fleuve de verdure qui semblait couler dans l’encaissement de la chaussée, pareil à la débâcle des pluies d’automne, prenaient des ombres délicates et perlées, des violets attendris, des roses teintés de lait, des verts noyés dans des jaunes, toutes les pâleurs qui font du ciel une soie changeante au lever du soleil ; et, à mesure que l’incendie du matin montait en jets de flammes au fond de la rue Rambuteau, les légumes s’éveillaient davantage, sortaient du grand bleuissement traînant à terre. Les salades, les laitues, les scaroles, les chicorées, ouvertes et grasses encore de terreau, montraient leurs cœurs éclatants ; les paquets d’épinards, les paquets d’oseille, les bouquets d’artichauts, les entassements de haricots et de pois, les empilements de romaines, liées d’un brin de paille, chantaient toute la gamme du vert, de la laque verte des cosses au gros vert des feuilles ; gamme soutenue qui allait en se mourant, jusqu’aux panachures des pieds de céleris et des bottes de poireaux. Mais les notes aiguës, ce qui chantait plus haut, c’étaient toujours les taches vives des carottes, les taches pures des navets, semées en quantité prodigieuse le long du marché, l’éclairant du bariolage de leurs deux couleurs. Au carrefour de la rue des Halles, les choux faisaient des montagnes ; les énormes choux blancs, serrés et durs comme des boulets de métal pâle ; les choux frisés, dont les grandes feuilles ressemblaient à des vasques de bronze ; les choux rouges, que l’aube changeait en des floraisons superbes, lie de vin, avec des meurtrissures de carmin et de pourpre sombre. À l’autre bout, au carrefour de la pointe Saint-Eustache, l’ouverture de la rue Rambuteau était barrée par une barricade de potirons orangés, sur deux rangs, s’étalant, élargissant leurs ventres. Et le vernis mordoré d’un panier d’oignons, le rouge saignant d’un tas de tomates, l’effacement jaunâtre d’un lot de concombres, le violet sombre d’une grappe d’aubergines, çà et là, s’allumaient ; pendant que de gros radis noirs, rangés en nappes de deuil, laissaient encore quelques trous de ténèbres au milieu des joies vibrantes du réveil.

Claude battait des mains, à ce spectacle. Il trouvait « ces gredins de légumes » extravagants, fous, sublimes. Et il soutenait qu’ils n’étaient pas morts, qu’arrachés de la veille, ils attendaient le soleil du lendemain pour lui dire adieu sur le pavé des Halles. Il les voyait vivre, ouvrir leurs feuilles, comme s’ils eussent encore les pieds tranquilles et chauds dans le fumier. Il disait entendre là le râle de tous les potagers de la banlieue."

D'ailleurs, le personnage de Claude, qui est peintre, donne à voir des tableaux dans le Ventre de Paris. Son point de vue permet d'introduire une vision moderne et morcelée de la nourriture, de créer des effets chromatiques et des jeux de lumières, propres à l’Impressionnisme. Il ajoute une dimension picturale à cette œuvre romanesque. Le regard de Claude est essentiel dans ce roman : il éclaire celui-ci, car Claude est un personnage itinérant que le lecteur suit et retrouve à chaque chapitre, dans tous les pavillons des Halles. Claude rencontre Florent dès le premier chapitre, mais il est aussi présent dans le dernier. Il commente l'arrestation de son ami, et le roman se termine sur ses mots :

"Et Claude, qui avait certainement oublié de dîner la veille, pris de colère à les voir si bien portantes, si comme il faut, avec leurs grosses gorges, serra sa ceinture, en grondant d'une voix fâchée:

- Quels gredins que les honnêtes gens!"

Dans l'extrait précédent, il jurait contre les "gredins de légumes", et dans les dernières lignes, il s'insurge contre "les gredins d'honnêtes gens". "Gredin" désigne une "personne dénuée de toute valeur morale et ne méritant aucune considération"13. La personnification et l'antithèse sont notables. Elles mettent en lumière la vraie nature des aliments et de ceux qui les mangent. D'ailleurs, les tableaux éclairés du Ventre de Paris sont obombrés par des personnages noirs et des scènes violentes.

3-Poétisation du macabre

L'angoisse et la violence sont poétisés dans le Ventre de Paris.Dès le premier chapitre, Florent s'inquiète : "Et il retrouvait Paris, gras, superbe, débordant de nourriture, au fond des ténèbres ; il y rentrait, sur un lit de légumes ; il y roulait, dans un inconnu de mangeailles, qu’il sentait pulluler autour de lui et qui l’inquiétait.". Puis, son sentiment s'intensifie en crescendo et se transforme en angoisse au troisième chapitre : " Florent souffrit alors de cet entassement de nourriture, au milieu duquel il vivait. Les dégoûts de la charcuterie lui revinrent, plus intolérables. Il avait supporté des puanteurs aussi terribles; mais elles ne venaient pas du ventre. Son estomac étroit d'homme maigre se révoltait, en passant devant ces étalages de poissons mouillés à grande eau, qu'un coup de chaleur gâtait. Ils le nourrissaient de leurs senteurs fortes, le suffoquaient, comme s'il avait eu une indigestion d'odeurs. Lorsqu'il s'enfermait dans son bureau, l'écœurement le suivait, pénétrant par les boiseries mal jointes de la porte et de la fenêtre. Les jours de ciel gris, la petite pièce restait toute noire; c'était comme un long crépuscule, au fond d'un marais nauséabond. " De plus, le sang est omniprésent : dès le premier chapitre quand Quenu et Lisa préparent du boudin, et Quenu crie « Passez-moi le sang ! ». Quant à Marjolin, il éclate la tête des pigeons dans le sous-pavillon de la volaille. Marjolin est un enfant abandonné, "recueilli" par les Halles (chapitre 4), il est inséparable de sa compagne Cadine. Ils ont grandis ensemble et ont été élevés par la mère Chantemesse. Ils sont comparés à des "bêtes humaines" :"Elle [Cadine] était très méchante, elle inventait des histoires pour lui [Marjolin] faire peur, lui disait que, l’autre nuit, elle avait vu un homme tout blanc, au pied de leur lit, qui les regardait, en tirant une grande langue rouge. Marjolin suait d’angoisse, lui demandait des détails ; et elle se moquait de lui, elle finissait par l’appeler « grosse bête » [...] Ils vivaient en jeunes bêtes heureuses, abandonnées à l'instinct, satisfaisant leurs appétits au milieu de ces entassements de nourriture, dans lesquels ils avaient poussé comme des plantes tout en chair. Cadine à seize ans, était une fille échappée, une bohémienne noire du pavé, très gourmande, très sensuelle. Marjolin, à dix-huit ans, avait l'adolescence déjà ventrue d'un gros homme, l'intelligence nulle, vivant par les sens. Elle découchait souvent pour passer la nuit avec lui dans la cave aux volailles" (chapitre 4). Cadine et Marjolin ne sont pas de belles plantes, ils seraient plutôt des fleurs du mal. Ils sont comparés à des plantes car ils ont l'intellect des légumes. En outre, ce sont des personnages sensuels qui s'ébattent dans les paniers à légumes, ou dans la cave à la volaille. Ils sont fascinés par la mort et le sang, ils trouvent l'horreur exquise et le spectacle des triperies leur est détectable :"Ils y allaient chaque jour, avec le goût du sang, avec la cruauté de galopins s'amusant à voir des têtes coupées. Autour du pavillon, les ruisseaux coulent rouges; ils y trempaient le bout du pied, y poussaient des tas de feuilles qui les barraient, étalant des mares sanglantes. L'arrivage des abats dans des carrioles qui puent et qu'on lave à grande eau les intéressait. Ils regardaient déballer les paquets de pieds de moutons qu'on empile à terre comme des pavés sales, les grandes langues roidies montrant les déchirements saignants de la gorge, les cœurs de bœuf solides et décrochés comme des cloches muettes. Mais ce qui leur donnait surtout un frisson à fleur de peau, c'étaient les grands paniers qui suent le sang, pleins de têtes de moutons, les cornes grasses, le museau noir, laissant pendre encore aux chairs vives des lambeaux de peau laineuse; ils rêvaient à quelque guillotine jetant dans ces paniers les têtes de troupeaux interminables. Ils les suivaient jusqu'au fond de la cave, le long des rails posés sur les marches de l'escalier, écoutant le cri des roulettes de ces wagons d'osier, qui avaient un sifflement de scie. En bas, c'était une horreur exquise. Ils entraient dans une odeur de charnier, ils marchaient au milieu de flaques sombres, où semblaient s'allumer par instants des yeux de pourpre; leurs semelles se collaient, ils clapotaient, inquiets, ravis de cette boue horrible. Les becs de gaz avaient une flamme courte, une paupière sanguinolente qui battait. Autour des fontaines, sous le jour pâle des soupiraux, ils s'approchaient des étaux. Là, ils jouissaient, à voir les tripiers, le tablier roidi par les éclaboussures, casser une à une les têtes de mouton, d'un coup de maillet. Et ils restaient pendant des heures à attendre que les paniers fussent vides, retenus par le craquement des os, voulant voir jusqu'à la fin arracher les langues et dégager les cervelles des éclats des crânes. Parfois, un cantonnier passait derrière eux, lavant la cave à la lance; des nappes ruisselaient avec un bruit d'écluse, le jet rude de la lance écorchait les dalles, sans pouvoir emporter la rouille ni la puanteur du sang." Les cadavres sont employés comme des objets dramatiques, le macabre devient poétique. Les désirs d'amour de Cadine et Marjolin semblent confondus avec un désir de mort, comme Roubaud et Catherine dans La Bête humaine.

Le projet naturaliste du Ventre de Paris est donc secondé par un projet esthétique. Zola, en plus d'utiliser des sociolectes, d'hachurer les mots (en utilisant par exemple des apocopes), ou d'incorporer du vocabulaire vulgaire à sa composition romanesque, ajoute une dimension picturale et poétique. Dès lors, il ne peint plus seulement des personnages : il épluche aussi les diverses couches sociales pour nous offrir le tableau le plus complet d'une époque dominée par ses appétits.

III- Douceur glacée de société déconfite aux arômes piquants, noyée dans ses propres débordements

Enfin, dans le Ventre de Paris, « Zola dresse le portrait moral d'une époque dominée par "l'or et la chaire", l'argent, le pouvoir et la sexualité, les pulsions"14.

1-Des personnages confondus avec leurs milieux

Dans la théorie de positiviste, le milieu explique l'évolution de l'individu. Chez Zola, les personnages sont confondus avec leur milieu : le physique ou l'ethos des personnages sont assimilés à la nourriture environnante. Il sont décrits comme étant l'un des produits qui débordent de leurs étalages, qu'ils consomment ou qu'ils vendent. Par exemple, les rondeurs et les joues roses de Quenu ne sont pas sans rappeler celles des cochons. Quant à la poissonnière, elle est sûrement décrite comme une morue. Sa beauté physique n'est pas en cause, il s'agit de son intériorité. Il y a un rapprochement entre la physionomie de celle-ci et les produits de la mer qui submergent ses étalages, comme le marque le chapitre 3 : "Elle avait tenté toutes les huiles aromatiques ; elle se lavait à grande eau ; mais dès que la fraîcheur du bain s’en allait, le sang ramenait jusqu’au bout des membres la fadeur des saumons, la violette musquée des éperlans, les âcretés des harengs et des raies. Alors, le balancement de ses jupes dégageait une buée ; elle marchait au milieu d’une évaporation d’algues vaseuses ; elle était, avec son grand corps de déesse, sa pureté et sa pâleur admirables, comme un beau marbre ancien roulé par la mer et ramené à la côte dans le coup de filet d’un pêcheur de sardines. Florent souffrait ; il ne la désirait point, les sens révoltés par les après-midi de la poissonnerie ; il la trouvait irritante, trop salée, trop amère, d’une beauté trop large et d’un relent trop fort." Enfin, Lisa la Charcutière, est décrite comme un boudin parmi les boudins dans cet extrait du chapitre 2 : " La belle Lisa resta debout dans son comptoir, la tête un peu tournée du côté des Halles; et Florent la contemplait, muet, étonné de la trouver si belle. Il l'avait mal vue jusque-là, il ne savait pas regarder les femmes. Elle lui apparaissait au-dessus des viandes du comptoir. Devant elle, s'étalaient, dans des plats de porcelaine blanche, les saucissons d'Arles et de Lyon entamés, les langues et les morceaux de petit salé cuits à l'eau, la tête de cochon noyée de gelée, un pot de rillettes ouvert et une boîte de sardines dont le métal crevé montrait un lac d'huile; puis, à droite et à gauche, sur des planches, des pains de fromage d'Italie et de fromage de cochon, un jambon ordinaire d'un rose pâle, un jambon d'York à la chair saignante, sous une large bande de graisse. Et il y avait encore des plats ronds et ovales, les plats de la langue fourrée, de la galantine truffée, de la hure aux pistaches; tandis que, tout près d'elle, sous sa main, étaient le veau piqué, le pâté de foie, le pâté de lièvre, dans des terrines jaunes. [...] elle rangea le lard de poitrine sur la petite étagère de marbre, au bout du comptoir; elle aligna le pot de saindoux et le pot de graisse de rôti, essuya les plateaux des deux balances de melchior, tâta l'étuve dont le réchaud mourait; et, silencieuse, elle tourna la tête de nouveau, elle se remit à regarder au fond des Halles. Le fumet des viandes montait, elle était comme prise, dans sa paix lourde, par l'odeur des truffes. Ce jour-là, elle avait une fraîcheur superbe; la blancheur de son tablier et de ses manches continuait la blancheur des plats, jusqu'à son cou gras, à ses joues rosées, où revivaient les tons tendres des jambons et les pâleurs des graisses transparentes. Intimidé à mesure qu'il la regardait, inquiété par cette carrure correcte, Florent finit par l'examiner à la dérobée, dans les glaces, autour de la boutique. Elle s'y reflétait de dos, de face, de côté; même au plafond, il la retrouvait, la tête en bas, avec son chignon serré, ses minces bandeaux, collés sur les tempes. C'était toute une foule de Lisa, montrant la largeur des épaules, l'emmanchement puissant des bras, la poitrine arrondie, si muette et si tendue, qu'elle n'éveillait aucune pensée charnelle et qu'elle ressemblait à un ventre. Il s'arrêta, il se plut surtout à un de ses profils, qu'il avait dans une glace, à côté de lui, entre deux moitiés de porcs. Tout le long des marbres et des glaces, accrochés aux barres à dents de loup, des porcs et des bandes de lard à piquer pendaient; et le profil de Lisa, avec sa forte encolure, ses lignes rondes, sa gorge qui avançait, mettait une effigie de reine empâtée, au milieu de ce lard et de ces chairs crues. Puis, la belle charcutière se pencha, sourit d'une façon amicale aux deux poissons rouges qui nageaient dans l'aquarium de l'étalage, continuellement."

D'après Charlotte Cabot, Lisa est identifiée comme un ses produits, elle-même devient un bien de consommation. En outre, Catherine Gautschi-Lanz soutient que Lisa se détache des charcuteries uniquement grâce à sa blancheur, elle est assimilée aux plats de porcelaine, et paraît elle-même comestible. D'ailleurs, Marjolin la trouve à son goût, et souhaiterait vivement la dévorer.

2-Séduction, nourriture et débordement des appétits

Marjolin éprouve un fort désir pour Lisa qu'il vient admirer devant sa boutique. Elle est : "si ronde, qu'elle lui faisait du bien. Il éprouvait devant elle, une plénitude comme s'il eût mangé quelque chose de bon" (chapitre 4). Lisa est une belle femme (" La belle Lisa" (chapitre 2). Elle est un canon de beauté : sa peau est pâle et elle est bien en chaire. Son teint et ses rondeurs sont des signes d'aisance matérielle. Elle incarne l'idéal esthétique d'une société. De plus, :"L'apparence physique, résultat entre autres d'un comportement alimentaire, devient l'emblème de certaines qualités morales"15. Marjolin semble attiré non pas par ce qu'elle est, mais par ce qu'elle représente : un ventre repu et gras, une bonne petite bourgeoise. Il tente par la suite de la séduire en lui racontant comment ils abattent les volailles dans sa cave, puis il essaye de la violer. Lisa le frappe. Elle n'est pas à la recherche de sensualité, mais uniquement à la recherche de profits.

En effet, la séduction est liée à la nourriture, à la sexualité ou à l'argent dans le Ventre de Paris.

La liaison entre Lisa et Quenu est, par exemple, exclusivement financière. Lorsqu'il a rencontré Lisa dans une Rôtisserie, Quenu l'a épousée seulement après avoir vu le tas d'or qu'elle lui rapporterait. En effet, Lisa, après la mort de son oncle Gradelle, hérite de son commerce et découvre de l'or dans le saloir. Il s'agit d'une métaphore : l'or est aussi conservé comme un aliment. C'est celui-ci qui nourrit la relation des deux amants. Il n'y a pas d'amour sensuel, il n'y a pas d'amour charnel qui les lie, comme le souligne Catherine Gautschi-Lanz. La fabrication du boudin, qui tend à faire fructifier leurs revenus, semble davantage les rapprocher que leurs caresses inexistantes.

Enfin, Cadine, Marjolin semblent s'adonner à des festins orgiaques. En effet, Cadine et Marjolin organisent des festins avec Léon, l'apprenti charcutier de Quenu. Le vocabulaire employé est ambigu. Quel genre de chaire se mettent-ils donc sous la dent? "Cependant, Cadine et Marjolin avaient fait connaissance de Léon, l'apprenti charcutier des Quenu-Gradelle, un jour qu'il portait une tourte dans le voisinage. Ils le virent qui soulevait le couvercle de la casserole, au fond d'un angle obscur de la rue de Mondétour, et qui prenait un godiveau avec les doigts, délicatement. Ils se sourirent, cela leur donna une grande idée du gamin. Cadine conçut le projet de contenter enfin une de ses envies les plus chaudes; lorsqu'elle rencontra de nouveau le petit, avec sa casserole, elle fut très-aimable, elle se fit offrir un godiveau, riant, se léchant les doigts. Mais elle eut quelque désillusion, elle croyait que c'était meilleur que ça. Le petit, pourtant, lui parut drôle, tout en blanc comme une fille qui va communier, le museau rusé et gourmand. Elle l'invita à un déjeuner monstre, qu'elle donna dans les paniers de la criée aux beurres. Ils s'enfermèrent tous trois, elle, Marjolin et Léon, entre les quatre murs d'osier, loin du monde. La table fut mise sur un large panier plat. Il y avait des poires, des noix, du fromage blanc, des crevettes, des pommes de terre frites et des radis. Le fromage blanc venait d'une fruitière de la rue de la Cossonnerie; c'était un cadeau. Un friteur de la rue de la Grande-Truanderie avait vendu à crédit les deux sous de pommes de terre frites. Le reste, les poires, les noix, les crevettes, les radis, était volé aux quatre coins des Halles. Ce fut un régal exquis. Léon ne voulut pas rester à court d'amabilité, il rendit le déjeuner par un souper, à une heure du matin, dans sa chambre. Il servit du boudin froid, des ronds de saucisson, un morceau de petit salé, des cornichons et de la graisse d'oie. La charcuterie des Quenu-Gradelle avait tout fourni. Et cela ne finit plus, les soupers fins succédèrent aux déjeuners délicats, les invitations suivirent les invitations. Trois fois par semaine, il y eut des fêtes intimes dans le trou aux paniers et dans cette mansarde, où Florent, les nuits d'insomnie, entendait des bruits étouffés de mâchoires et des rires de flageolet jusqu'au petit jour." Il y a confusion entre plaisir et désir alimentaires et sexuels : le repas est même servi dans la chambre de Léon. "Le dîner est l'espace privilégié de la métamorphose, la nourriture se transforme en un espace chargé de signes, frappés de tabous et d'interdits"16.Jules Barbey d’Aurevilly se moquait de cette alliance de sexe et de nourriture en soutenant (à propos de Zola) que : "le cochon l'excite". Zola portraitiste dès lors des personnages commandés par des pulsions et non par l'intellect, qui se meuvent dans le rythme de la décadence. Ils n'ont ni savoir-vivre, ni savoir-être. Ces repas sont carnavalesques, comme les Halles : l'ordre moral du monde est renversé.

Finalement, Zola semble décrire une société au bord de la dérive. Si les Gras triomphent à la fin du roman, ils seraient en fait en haut d'une pente qu'ils s'apprêtent à dévaler. Au travers des descriptions des aliments, Zola met en évidence la décadence d'une société, qui se noie dans ses propres débordements. Par exemple, la mère de Quenu est morte d'indigestion. En outre, Catherine Gautschi-Lanz souligne que : "Zola fait surgir l'image de la décadence qui dénonce le caractère trompeur des apparences (....) dans le Ventre de Paris, on "sue la santé", et c'est un signe décrépitude. Selon elle, La fin du Ventre de Paris annonce qu'une société soutenue par le second empire qui va s'effondrer. Jules Barbey d’Aurevilly disait d'ailleurs que « C’est ainsi qu’il [Zola] mêle le drame aux fromages. »

Le ventre de Paris est donc une littérature qui ne contente pas d'abreuver les sens, elle nourrit et fait grandir son lecteur. Au travers de la nourriture, l'auteur exprime sa vision du monde : celle d'une société dont le savoir scientifique et le progrès connaissent une apogée, tandis que les personnes qui la composent manquent de savoir-être et de savoir-vivre. Le Ventre de Paris ne se lit pas, il se dévore.

 

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1 Emile Zola, Le Ventre de Paris, Le livre de poche, coll. Les classiques de poche, 21/09/1971, 384 p.

2 Emile Zola, Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire -Tome I, Édition d'Armand Lanoux et Henri Mitterand, Bibliothèque de la Pléiade, n° 146, Juin 1960, 1808 p.

3 Comme le souligne Jules Barbey d’Aurevilly in Les Œuvres et les Hommes (3e série) – XVIII. Le roman contemporain, Paris, Lemerre, 1902.

4 D'après Christopher Mead, "La pratique urbaine de l'architecture : Victor Baltard et les Halles centrales de Paris",  lors d'une conférence sur les Halles à l'occasion de l'exposition sur les Halles au musée d'Orsay, Paris, 2006 (http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/conferences/conferences-en-ligne/victor-baltard-et-les-halles-centrales-de-paris.html), consultée le 15 septembre 2014.

 

5 Archives de L'Office national de radiodiffusion télévision française, diffusé le 01 juillet 1971 et le 05 août 1972, consultées le 15 septembre 2014.

6Comme le souligne Charlotte Denoël,"Les Halles de Paris à travers l'hisoire", histoire-image.org., janvier 2007 (https://www.histoire-image.org/etudes/halles-paris-travers-histoire), consulté le 15 septembre 2014.

7 D'après Charlotte Cabot, best prof de lettres ever <3, je me fiche parfaitement que vous trouviez que cet argument ne soit pas scientifique. De toute façon, personne ne lit les notes de bas de page. La preuve : j'aime manger des licornes. Bisous.

8Emile Zola, Le Ventre de Paris, folio classique, ed. Robert Abirachet, Livre de Poche, coll. Les classiques de Poche, 30/01/2012, 355 p.

9D'après Christopher Mead, "La pratique urbaine de l'architecture : Victor Baltard et les Halles centrales de Paris",  lors d'une conférence sur les Halles à l'occasion de l'exposition sur les Halles au musée d'Orsay, Paris, 2006 (http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/conferences/conferences-en-ligne/victor-baltard-et-les-halles-centrales-de-paris.html), consultée le 15 septembre 2014.

7 D'après le dictionnaire CNRTL

8 D'après Emmanuel Bury, professeur agrégé de Littérature Classiques, lors de son cours dispensé aux deuxième années de Lettres Modernes, à l'Université Versailles Saint-Quentin,  2011. Best prof ever d'Histoire des Idées.

9 Emile Zola, Lettre à Jules Lemaître du 14 mars 1885, citée d'après Colette Becker et al. dictionnaire d'Emile Zola, Paris, Laffont, 1993, coll. "bouquins", p 322

10 selon Catherine Gautschi-Lanz, Le roman à table, nourriture et repas imaginaire dans le roman français 1850-1900

12 Joy Newton "Emile Zola impresionniste II" op. cit.

13 Dictionnaire CNRTL

14 Note de Catherine Gautschi-Lanz, dans Le roman à table, nourriture et repas imaginaire dans le roman français 1850-1900

15 Idée de Catherine Gautschi-Lanz

16 Remarque de Catherine Gautschi-Lanz

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