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17 mai 2016

Mémoire sur Kaamelott, Les muances du Graal (extrait de la première partie)

I . Les muances du Graal dans Kaamelott :
A . Le Graal : définition

           

Kaamelott du Graal au JDR Gazette du Geek (07)Le Graal est un objet syncrétique, qui a plusieurs identités que nous analyserons (partie 1). Il a aussi plusieurs formes (partie 2).

1 . Syncrétisme du Graal       

            Le mythe du Graal, dans l'Histoire, résulte d'un syncrétisme des mythes, des légendes et des religions. Le Graal de la shortcom est quant à lui originellement celte. Sa quête est ordonnée par Viviane, qui apparaît comme une divinité celte. Cependant, la quête est confiée à un celte élevé comme un romain, dont le royaume est en voie de christianisation. En effet, Arthur est  le digne héritier d'Uther Pendagron, mais il a grandi à Rome, dans un Empire en déclin, en proie aux invasions barbares. Ces dernières ont une réalité historique : elles se sont produites entre le IV et VI e siècle. Le royaume de Kaamelott apparaît dès lors comme un carrefour fictif des civilisations et des croyances, qui trouve un échos dans notre Histoire.

            Par ailleurs, la chronologie, dans Kaamelott, est plus mythique que réaliste. Cette mythification contribue paradoxalement à la désacralisation du Graal et de sa quête. Alors que les chevaliers partent en missions ou en voyages, la quête du Graal entreprise par Arthur, évolue nullement, comme si elle avait été figée dans le temps. Elle semble ne jamais ne se finir.

            De plus, les quêtes du Graal entreprises par Lancelot à la fin du Livre III, et les autres chevaliers dès le début du Livre V, créent une multiplication des intrigues, mais aussi des points de vue. En fait, le contexte mythique et historique permet de mettre à distance la fiction de la réalité. Le monde arthurien, dans Kaamelott, est enrichi par des références historiques, géographiques, légendaires et culturelles. Déterminer sa chronologie est impossible :

« Si la chronologie de Kaamelott est étonnement précise sur certains points, elle n’en est pas pour autant totalement exacte ou crédible, et les durées que l’on devine pour les différents Livres peuvent parfois se trouver contradiction avec l’histoire. [...] les longues durées de navigation et de voyage pour se rendre en Bretagne apparaissent comme bien plus rapide qu’elles ne devraient l’être en réalité. […] si les dates que l’on peut déduire de la série sont en apparences justes et cohérentes tant dans l’histoire que dans l’Histoire, elles ne sont confirmées que par quelques allusions indirectes et par l’observation de l’écoulement des saisons. Dès lors que l’on entre dans le détail des durées de voyages, des irrégularités apparaissent, comme si les durées réelles étaient en fait bien plus longues, avec de nombreuses ellipses… » (sic.)[1]

            La variété des traditions et des religions coexistent dans l'univers de Kaamelott, comme dans la réalité historique. D'ailleurs, le syncrétisme du Graal a été utilisé à des fins religieuses et politiques.[2]Par exemple, Joseph d'Arimathie est figuré, sur les vitraux de l'Eglise Saint Onenne à Tréhorenteuc, recueillant le sang de Jésus cloué sur la croix. Il tient entre ses mains une coupe, le Graal, lequel est le centre du vitrail, entouré de motifs qui le mettent en relief.[3]À l'époque, cette représentation desservit la christianisation, car elle reprenait des symboles celtes en leur donnant une signification chrétienne. L'objet mythique a aussi été utilisé comme un instrument politique. Il a notamment permis de fédérer anglo-saxons et normands sous la bannière de Guillaume le conquérant.

            Ces aspects ont été transposés dans la série Kaamelott. Par exemple, Perceval trouve les clous de la Sainte-Croix et le Saint-Suaire : « Arthur (à Perceval) : Le Saint-Suaire ? Vous avez foutu en l'air le Saint-Suaire ? ».[4]La religion chrétienne occupe une place importante. Elle est notamment représentée par un inquisiteur joué par Elie Semoun, et un prêtre, le Père Blaise, incarné par Jean-Robert Lombard, qui transcrit les aventures des chevaliers. Selon eux, le Graal serait le récipient qui a contenu le sang du Christ. Si le père Blaise matérialise la présence de l'Eglise chrétienne, l'inquisiteur incarne quant à lui la folie des clercs, qui, sous couvert d'accomplir la volonté de Dieu, massacrent des innocents. A travers leurs agissements, Alexandre Astier dénonce l'hypocrisie de l'Eglise. Dans une scène, l'inquisiteur fait signer à Arthur une loi pour la monogamie, tout en lui expliquant qu'il n'aura qu'à se confesser pour ne pas changer ses habitudes polygames.[5]Ce personnage caricature de façon satirique une réalité historique : celle des croisades et de l'inquisition.[6]L'inquisiteur affirme à Arthur que tuer son prochain est criminel, mais qu'il est paradoxalement légitime de le faire pour accomplir la quête du Graal : « Le Graal ? Ah c’est bien ça, le Graal ! Ben ça y faut m’le dire avant ! Le graal, ça c’est bien, c’est bon ! Même si y’a des gens qui vous barrent la route, vous pouvez les mettre au bûcher par exemple. Vous en brûler quelques-uns…Là, vous pouvez être... La cruauté ! Ça s’est bien, ça c’est bon ! ».[7]La vision que donne ce personnage du Graal est donc ironique et hypocrite.

            Cependant, le Roi ne semble pas adhérer à cette conception de la spiritualité puisqu'il prie les Dieux romains (Livre IV et Livre VI).[8]D'ailleurs, dans les récits médiévaux, Arthur était : « un valeureux guerrier, libérateur Celte et gardien de la civilisation romaine et chrétienne ».[9]Comme le Graal, Arthur est un personnage syncrétique. En effet, le roi Arthur, comme le souligne Anne Berthelot, est avant tout une figure mythique :

 

 « Même s'il a existé un hypothétique « roi Arthur » serait-il conforme à l'image que donnent de lui les plus anciens textes ? Serait-il, en particulier, un souverain chrétien, alors que la plupart des sources historiques suggèrent que le christianisme est loin de l'avoir emporté en Grande-Bretagne vers la fin du Ve siècle ? Ou bien serait-il le bras armé d'une aristocratie païenne, voire de la caste des druides, si influents dans les sociétés celtiques ? Ou encore, pourquoi pas, un adorateur de Mithra, le dieu des soldats romains qui a semblé un temps devoir l'emporter sur le dieu chrétien dans l'empire ? (…) Il n'y a pas et il n'y aura sans doute jamais de réponses à ces questions. Peu importe, d'ailleurs, si un Arthur historique a existé : ce qui est certain, c'est qu'il a existé, et qu'il existe encore une figure littéraire de proportions légendaires, autour de laquelle se sont greffés toutes sortes de motifs et de séquences relevant de traditions très variées ».[10]

 

            Sa supposée tombe a été retrouvée à proximité de l'abbaye de Glastonbury. L'épitaphe mentionne Arthur et sa seconde femme, Wenneroria. Si l'hypothétique véritable roi Arthur a donc eu deux épouses comme dans la série, pour autant, Arthur n'aurait jamais été roi de Bretagne, mais Dux bellorum Britaniae ou chef de guerre. Le mot « dux » a d'ailleurs donné « duc » en français. Dans le Bas-Empire romain,  « dux » est un grade militaire. Le Dux bellorum, ou le chef de guerre, avait pour fonction d'administrer une tribu ou une région. Il pouvait aussi commander les troupes de garnisons. Arthur aurait pu être un chef de guerre qui aurait constitué ses propres troupes et vaincu les invasions barbares sous l'égide des Bretons. Arthur n'est donc probablement jamais devenu roi, ou chef de clan. D'autre part, il existerait plusieurs Arthur. D'après la théorie de Kemp Malone, Arthur serait en fait le chef de guerre Lucius Artorius Castus. Pour Geoffrey Ashe et Léon Fleuriot, Arthur est en fait Riothamus, un chef qui aurait été couronné « Roi des Bretons ». Quant à C. Scott Littleton et Linda A. Malcor, ils  affirment que le Roi Arthur est la synthèse de Riothamus et Lucius Artorius Castus. Peut-être, Arthur était-il en fait le dernier roi silurien, comme le prétend Withaer. Arthur pourrait aussi désigner l'ensemble des chefs celtiques qui se sont battus à cette époque pour défendre le Territoire des invasions barbares.[11] Si tous les historiens mentionnent Arthur en fondant leurs théories sur des preuves archéologiques, ou les textes de Geoffrey de Moumouth et Nennius,  aucun ne mentionne la quête du Graal. Peut-être existe-t-il, finalement, autant de quêtes du Graal possibles qu'il a existé d'hypothétiques rois Arthur. 

            Alexandre Astier s'est laissé séduire par la complexité du personnage historique et romanesque, ainsi que par celle du Graal. Le créateur de la série aurait pu choisir une interprétation, parmi celles déjà existantes, du Graal et de la Légende arthurienne. Toutefois, il a préféré traiter ces motifs tels qu'ils sont dans notre réalité historique : anachroniques, mythiques, syncrétiques. Il n'a pas donné une identité spécifique à son roi et au Graal, il leur en a conféré plusieurs. En outre, l'histoire de Kaamelott lui permettait de traiter ces motifs sous l'angle du déracinement, et d'inventer sa propre version de la légende : « Ce qui fait très envie après le drame de la saison 5, c'est de donner un background à tous ces mecs-là, notamment à Arthur ». Il s'agissait de raconter, dans le prequelle[12] comment le roi a acquis le pouvoir et comment il est devenu l'ordonnateur d'une quête qui lui est destinée, mais qui n'est pas la sienne. La quête du Graal  devait permettre au roi de bâtir un monde nouveau, et de fonder une nouvelle aire : « D'un coup il y a un nouveau monde à créer », mais aussi d'évoquer le monde qu'il a abandonné. Il vient d'un « pays où il fait chaud » et part vers « le pays où il fait froid. (…) Il s'agissait de projeter ce mec-là dans un monde qui n'est pas le sien ».[13]

            Comme le Graal, Arthur est donc profondément déraciné. Le roi ne sait plus d'où il vient, ni qui il est, et il évolue dans un monde qui n'est pas le sien. Finalement, le Graal est à l'image de son roi : syncrétique. Il est à la fois celte, romain et influencé par la chrétienté. Le Graal a donc plusieurs identités dans Kaamelott, comme le roi Arthur, car, tous deux sont des mythes transposés dans un univers où se mêle magie, Histoire, et quotidien.

            Le Graal a donc plusieurs identités, il a aussi plusieurs formes supposées.



[2]Ibid

[3]Xavier Lefebvre (real.), Babylone, « En quête du Roi Arthur », Phare Ouest [Issy Les Moulineaux]-cop 2007, Diffusé le mardi 28 août 2007. 

[4]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre III, Les clous de la Sainte-Croix, M6 Vidéo, 08/11/2006

[5]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Le Monogame, Livre I,M6 Vidéo, 28/09/2005

[6]Il fait aussi probablement référence au personnage du Purgateur dans les Warhammer, jeu de guerre stratégique. Dans le Livre IV, il deviendrait paladin. Il s'agit là aussi d'une référence à l'univers des jeux de rôles et plus particulièrement à Donjon et Dragon

[7]Alexandre Astier (real.), Kaamelott, Livre II, L'absolution, M6 Vidéo, 14/06/2005

[8]Ce dialogue extrait du Livre III, Le culte secret, est d'ailleurs représentatif de la cohabitation des diverses religions :          

« La Dame du Lac : Mais vous êtes en train de prier un dieu romain, vous vous foutez de ma gueule ? Je vous                signale que vous êtes légèrement engagé dans une quête au nom du dieu unique !

Arthur : Parce que le dieu unique il est celte, peut-être ?

La Dame du Lac : Non. Ben, le dieu unique… ben, il est unique !

Arthur : Oui, voilà. Et vous, alors, avec vos cheveux oranges et votre peau blanche comme une merde de crémier, vous êtes pas celte des fois ?

La Dame du Lac : Si. À la base, si.

Arthur : À la base ? Non mais qu’est-ce que c’est exactement, vous faites mi-temps chez les uns, mi-temps chez les autres ?

La Dame du Lac : Non, non, c’est pas ça.

Arthur : C’est pas ça. (Haussant le ton) La religion, c’est le bordel, admettez-le. Alors laissez-moi prier ce que je veux tranquille, ça m’empêche pas de continuer à le chercher, votre saloperie de Graal. »

[9]Margot Lenoir, « La quête du Graal, comment l'Eglise contrôle Arthur ? », Les cahiers de Science et Vie, Le roi Arthur le mythe à l'épreuve de la science, n°117, juin-juillet 2010, p40

[10]Anne Berthelot (dir.), La légende du roi Arhtur, éditions du Chêne -Hachette Livres, 2004, p 16-19

[11]Xavier Lefebvre (real.), Babylone, « En quête du Roi Arthur », Phare Ouest [Issy Les Moulineaux]-cop 2007

[12]Une préquelle est une œuvre dont le récit précède une œuvre antérieurement crée.

[13]Christophe Chabert (real.), Entretien avec Alexandre Astier, Cinecitta, produit par Jean-Yves Robin,  Cinecitta, Juin 2008

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Commentaires
M
La vérité sur la graal reste donc encore à découvrir...
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